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A Malicounda, 10 ans après la déclaration d'abandon : On excise toujours les filles, mais dès leur naissance

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A Malicounda, 10 ans après la déclaration d'abandon : On excise toujours les filles, mais dès leur naissance

A Malicounda Bamba où a été lue, pour la première fois, la déclaration d’abandon d’excision, on continue d’exciser les filles. On n’attend plus qu’elles aient 10 ans ou plus pour le faire, c’est dès la naissance, avant même leur baptême, qu’elles passent entre les mains de l’exciseuse.

(Envoyée spéciale) - Village situé à 5 km de Mbour, Malicounda Bambara est une localité essentiellement peuplée par les Bambara. Une communauté dans laquelle, la pratique de l’excision est bien ancrée dans la tradition. Loin des festivités des dix ans d’abandon de l’excision qui s’y déroulaient le week-end dernier, quatre fillettes âgées entre 3 et 5 ans, pieds nus, cheveux nattés, jouent sous un grand acacia, sous l’œil vigilant d’une vieille dame. Elles, ce sont de petites Bambara. Des fillettes joyeuses, pleines de vie.

Elles ressemblent à toutes les filles de leur âge. Elles ne sentent pas de différence avec les autres, ne se rendent nullement compte que, dès après leur naissance, alors qu’elles n’avaient pas encore été baptisées, un grand fossé les a séparées des autres enfants de leur âge. Parce qu’elles ont été excisées dès leur naissance… dix ans après ‘l’historique’ déclaration publique d’abandon de l’excision.

La vieille dame sous l’œil de laquelle elles jouent insouciantes, c’est l’exciseuse Fatou Traoré. Elle a arrêté cette pratique, non pas parce qu’elle a fait sienne la déclaration d’abandon d’il y a dix ans, mais parce qu’elle est malade. Selon elle, ‘jamais, on n’arrêtera de pratiquer l’excision à Malicounda Bambara’. Et pour que l’excision puisse continuer d’être pratiquée dans la plus grande discrétion, beaucoup de ruses ont été mises en œuvre. La praticienne Fatou Traoré renseigne que, désormais, ‘c’est aussitôt que l’enfant naît qu’on l’excise. Ainsi, avant même le jour de son baptême, la plaie a déjà fini de guérir’. C’est ainsi qu’elle raconte : ‘Il y a deux ans, j’ai excisé des filles, en l’absence de leur mère parce que cette dernière était réticente. On les a gardées dans une chambre pendant deux jours sous prétexte qu’elles avaient le paludisme. Et lorsqu’elles ont guéri, leur mère n’a pu percer le secret.’

Des femmes continuent de faire exciser leurs filles à Malicounda et dans les villages environnants. Parfois, les mamans font exciser leur bébé et pour ne pas éveiller des soupçons, elles prétextent que l’enfant est malade et qu’elle doit être consultée à Mbour. Ainsi, elles quittent le village pour deux à trois jours, le temps que l’enfant se remette de son excision. Et contrairement à ce qui se dit, explique la dame Fatou Traoré, les objets utilisés pour l’opération sont toujours stérilisés. ‘Nous prenons la peine de laver proprement la jeune fille avant de l’exciser avec des ciseaux non souillés. De plus, après l’excision, à usage d’antibiotique, on enduit la plaie de poudre de feuilles de ‘tabanani’ et de ‘nep-nep’. Cela accélère également la cicatrisation’.

La pratique de l’excision est, selon les écrits, antérieure au christianisme et à l’islam. Tradition profondément encrée dans la culture bambara, sarakholé et chez les Pulaar du Fouta, l’excision consiste à faire une ablation du clitoris et parfois des grandes et petites lèvres. Après l’ablation, les praticiennes, qui appartiennent le plus souvent à la caste des forgerons, usaient de plantes médicinales pour guérir la plaie et obstruer l’orifice du vagin afin que la jeune fille puisse garder sa virginité jusqu’au mariage. Aussi la fille non excisée ne pouvait être épousée par les hommes appartenant à la communauté Bambara. Car elle était considérée comme impure.

Natif de Malicounda Bambara, Sidy Diambaly, 68 ans, a fait exciser toutes ses filles pour perpétuer la tradition. Selon lui, il faut toujours garder la tradition. Les complications dont on impute la cause à l’excision est la cause, ne sont que balivernes à son avis : ‘Il y a toujours eu des femmes stériles, excisées ou non, et si cette affirmation était vraie, on ne parlerait plus de la communauté Bambara.’ Aujourd’hui, ajoute-t-il, ‘si j’ai la possibilité de faire exciser mes petites filles, je le ferai’.

Dans la société traditionnelle, les exciseuses recevaient de la part des familles, en guise de rémunération, du mil, du savon de karité et un pagne blanc. Or, pour la sexagénaire Yaye Amy Sow du village de Ngerigne, ‘recevoir 2 000 francs Cfa, du savon et un pagne ne vaut pas la peine de risquer d’être emprisonnée’. Car, raconte t-elle, l’arme de la justice que Tostan brandit, a effrayé les praticiennes de son village. Ainsi, elles ont préféré arrêter la pratique de l’excision plutôt que d’avoir maille à partir avec la justice.

Autrement dit, des exciseuses ont abandonné cette pratique par peur plutôt que par conviction.

Par contre, ce jeune homme, habitant le village de Malicounda et professeur d’histoire et de géographie, estime que ‘l’excision est un des piliers de la tradition Bambara et il faut défendre la tradition’. Dans la société Bambara, chacun a un rôle à jouer et la pratique de l’excision était le domaine réservé des femmes. Et parce qu’elle était un sujet tabou, elle se faisait dans le plus grand respect de la dignité de la femme. Aussi déclare-t-il que ses enfants seront excisés comme l’ont été ses ‘sœurs’.

 



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