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DOSSIER : JEUX DE HASARD S’APPAUVRIR POUR ENRICHIR L’AUTRE : Bienvenue dans la spirale des jeux de hasards

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DOSSIER : JEUX DE HASARD S’APPAUVRIR POUR ENRICHIR L’AUTRE : Bienvenue dans la spirale des jeux de hasards

Qu’est-ce qui pousse les Sénégalais à tant passion pour les jeux de hasards ? «La fortune aux souscripteurs …» cette première partie du slogan de la Lonase n’y est sans doute pas pour rien. En cette période de conjoncture, le rêve de décrocher une fortune au jackpot n’est jamais de trop pour noyer ses problèmes. Mais de là à «investir» quotidiennement des sommes faramineuses pour un gain qui n’est que probable, il y a de quoi ne pas comprendre l’attitude des parieurs sénégalais. Qui vivent dans un monde à part qui tend à se moderniser.

Le profane qui s’aventurerait pour la première fois à côté de ces espaces aménagés par la Lonase pour les parieurs risque bien d’être surpris par l’engouement qui y règne. On confondrait facilement le décor avec celui d’une masse de Sénégalais qui suivent un match de coupe du monde des Lions ou une affiche de lutte. Pourtant, il n’en est rien. L’objet de toute cette attraction n’est rien d’autre qu’une course de chevaux ! Des centaines de paires d’yeux braquées sur près d’une dizaine de télévisions à guetter le dernier instant d’une course qui se déroule à l’autre bout du monde. Nous sommes dans l’un des espaces Plr bien aménagés par la Lonase comme à la Médina ou aux Parcelles Assainies. Différents des guichets de Pmu classiques, les espaces Plr sont devenus depuis leur installation de véritables centres de convergences. L’ambiance y est très bruyante ! Les gens gesticulent, hurlent, exultent ou pestent à propos de l’arrivée ou pour livrer des commentaires aux voisins. Ici, la passion pour les jeux de hasards (Pmu et dans une moindre mesure le Pari sportif) est partagée par tous. Avant la course, les discussions vont bon train et deviennent souvent très houleuses. Chacun s’invente des talents de bookmakers. Pour un joker plus expérimenté ou qui semble mieux en forme, le favori ou l’outsider, pour un cheval qui aurait plus de cote qu’un autre ou pour le non partant du jour, on est à la limite de se crêper le chignon. Pendant la course, c’est le silence de cathédrale ! Et dès que le premier cheval atteint la ligne d’arrivée, le vacarme redevient indescriptible. Les cris des rares heureux gagnants se font littéralement noyer par les commentaires et autres justifications des perdants. Qui cherchent par là un moyen pour atténuer la déception. Afin de pouvoir recommencer. C’est une spirale. «C’est comme une drogue. Quand on s’y met, on ne s’en sort que difficilement» concède ce parieur. En effet, dès les premières heures de la journée, les habitués des espaces Plr se retrouvent pour s’échanger les dernières informations avant la course du jour. Prêts à miser des sommes faramineuses. Selon A. Coly qui dit jouer depuis une dizaine d’année, «les mises vont de 200 francs à des millions !» Un vendeur révèle avoir une fois vendu une combinaison de plus d’un million. «C’est très rare mais ça arrive. Souvent, ce sont les étrangers ou les Libanais qui misent de si grandes sommes.» Ceux qui jouent sont très nombreux, c’est sur la base des mises que les vainqueurs sont payés. Les sommes jouées sont partagées entre les gagnants, en fonction du rapport calculé, après déduction des prélèvements opérés par l’organisateur, pour son propre compte et celui des Pouvoirs Publics. Les vendeurs des kiosques sont payés par commission de 7% du montant vendu en 13 jours. Pourtant, miser une grosse somme n’est pas une garantie pour gagner. A. Coly insiste «la plupart des gens qui gagnent ne mise que 200 francs, la somme de base.» Elle se situe entre 200 et 300 francs pour les classiques (Pmu, carte à gratter et pari sportif) et de 500 pour le Plr. Disponibles chez certains revendeurs de journaux et dans les kiosques de la Lonase qui se trouvent souvent devant les agences et les espaces Plr, les programmes s’arrachent comme des petits pains. Et le pronostiqueur qui en détient une copie est assiégé par les malheureux retardataires qui n’ont pu s’en procurer. Stylos en main, ils griffonnent des calculs illisibles sur ces bouts de papiers. Ne vous y étonnez pas ! les jeux de hasards ont leur part de rationalité.

Les jeunes et les femmes se lancent dans le bain

Jadis réservé à la gent masculine, le créneau des jeux de hasard est aujourd’hui massivement investi par les femmes. Elles sont nombreuses celles qui, au détour du marché, font un tour par les kiosques pour s’offrir un ticket à gratter ou une combinaison. Des personnes interrogées dans ces espaces nous ont par ailleurs révélé que les jeunes commencent à se plaire dans les jeux de hasards.

Le phénomène commence à gagner toutes les couches sociales. Pour coller à l’ère de la parité, le milieu des jeux de hasards s’est ouvert aux femmes. À l’agence Plr des Parcelles Assainies près du marché, elles discutent avec l’assurance d’un connaisseur sur les chevaux en course. Panier en main, A.S, apparemment âgée d’un peu plus de 40ans, a achoppé le virus du pari depuis maintenant deux ans par l’influence de son mari. «Mon mari joue régulièrement au Pmu. Un jour, il m’a demandé de lui choisir des chiffres et il a gagné une somme. Finalement ça a commencé à me plaire.» Depuis lors, elle ne va pas au marché sans faire un petit détour à l’agence de la Lonase. Et elle n’est pas la seule. «Nous (les femmes, ndlr) sommes nombreuses à jouer. Nous finissons par nous lier d’amitié et partager de nombreuses choses. Parfois, certaines viennent sans avoir de quoi miser et l’une d’entre nous lui offre la mise.» Une autre femme à ses côtés confirme l’esprit de solidarité entre femmes qui prévaut. Les temps sont durs et tous les moyens sont bons pour venir en aide à son mari se justifient-elles. Non sans se demander pourquoi les paris devraient être l’apanage des hommes. Un homme révèle dans cette lancée que les femmes s’y connaissent maintenant très bien dans les courses hippiques. En plus, ajoute-il, «elles ont plus de baraka (chance)». Selon un vendeur, de plus en plus de femmes achètent des combinaisons au Pmu même si elles sont encore plus nombreuses dans les jeux de cartes à gratter comme le jackpot. La preuve, dans ce jeu une femme a récemment décroché le pactole de…184 millions!

Les jeunes aussi commencent à se plaire dans les jeux de hasard. Jadis, les retraités étaient les principaux joueurs. Aujourd’hui, de jeunes garçons leur ravissent la vedette. Collégiens et ouvriers, pour la plupart, ces jeunes misent souvent de petites sommes. L’appétit venant en mangeant, un vainqueur attire facilement un autre copain et la chaîne est ainsi vite mise en place. Un vendeur de la Médina révèle même que des jeunes de 15 ans se paient des combinaisons. Souvent, argumente-il, ce sont des apprentis mécaniciens qui ont l’habitude d’être envoyés par leurs patrons et dès qu’ils ont 200 francs (la plus petite mise), ils se lancent des défis et c’est comme ça qu’ils deviennent accros aux jeux. Par ailleurs, la diffusion à la télévision du jeu «Jackpot Tv» a considérablement participé à la vulgarisation du jeu.

Les Jeux en vogue

À côté des traditionnels Pmu et pari sportif, il y a les jeux de cartes à gratter. Qui selon agents de la Lonase varient en fonction de l’objectif ou des cibles de la Lonase. Nous vous présentons ici les jeux en vogue dans les kiosques.

Le Pari sportif basé sur le principe de la mutualisation a remplacé le Lotosport. C’est un jeu hebdomadaire portant essentiellement sur les matches de football de la ligue 1 française. Il est conçu sur le principe d’une grille de 13 matches, pour lesquels il convient de trouver les bons résultats. La mise de base est de 200 francs. Le Jackpot Tv est un jeu de loterie instantanée basé sur un système de grattage. Le gagnant a la possibilité de rafler des millions à la découverte de trois télévisions ou de trois numéros identiques. Les chèques sont reçus sur un plateau d’une émission télévisée. Vendu à 300 frs. Le Pmu (Pari mutuel urbain). C’est un jeu de pronostics portant sur les courses hippiques, et comporte deux sous-composantes: l’Alr et le Plr (avant et pendant la réunion). Mise de base entre 200 et 1000 frs. Le Pmu est le produit phare de la Lonase.

SOURCE : Le site de la Lonase

ALY KHOUDIA DIAW, SOCIOLOGUE : «La passion du jeu entraîne le phénomène de l’accoutumance»

Le sociologue nous explique ici les raisons de l’engouement grandissant des Sénégalais pour les jeux de hasard. Il jette aussi un regard intéressant sur l’intérêt que les jeunes et les femmes commencent à avoir pour les paris.

Qu’est ce qui explique l’engouement des Sénégalais pour les jeux?

Nous vivons dans une société en pleine mutation ou les références d’hier en matière de réussite sociale ne sont plus les mêmes. La société sénégalaise est marquée par une très forte tentation de la réussite à tout prix et qui se traduit par l’attraction de tout ce qui peut y contribuer, d’où cet engouement pour les jeux qui offrent l’espoir et l’illusion. L’espoir permet à chacun de vivre et de tenter le destin et la chance dans l’attente d’une vie meilleure. L’illusion est encore plus pernicieuse dans la mesure où la passion du jeu entraîne le phénomène de l’accoutumance qui, une fois acquise, rend l’individu dépendant; l’illusion du gain donne l’impression qu’on ne perd jamais. Le gain facile pousse nos compatriotes à y investir beaucoup d’argent. Le jeu comme moyen de promotion sociale est devenu une réalité car chaque jour la Lonase montre de nouveaux millionnaires. L’exemple du jackpot TV avec le gain extraordinaire de Yaye Awa Cissé (184 millions) donne envie qu’on s’y mette tous.

Pourquoi les jeunes et les femmes s’y mettent de plus en plus ?

Ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par la pauvreté. Ils tentent donc de s’en sortir par tous les moyens. Ainsi, autant la lutte et l’émigration sont envahies par les jeunes, autant le créneau des jeux de hasard est visé. Les femmes interviennent de plus en plus dans ce domaine parce qu’elles ont en général l’intuition nécessaire pour pouvoir dépenser de manière rationnelle, mais il faut dire de manière générale que les jeunes et les femmes sont les cibles les plus vulnérables et les plus acquises au discours et à la publicité des jeux de hasard.

La religion interdit le jeu de hasard, pourtant les Sénégalais le font…

C’est vrai que le Sénégal est un pays à majorité musulman et que l’Islam interdit le jeu de hasard. Mais notre société excelle dans l’art de vivre dans la contradiction, en transformant «l’interdit» en «semi-interdit» ou en «interdit tolérable». On trouvera toujours des prétextes pour jouer à la loterie tout en sachant que c’est interdit, les priorités du moment passent avant toutes considérations. Les gens vous diront qu’ils ne sont pas assidus au jeu ou qu’ils le font pour la famille, bref le Sénégalais, même s’il en a conscience, intègre l’interdit comme donnée secondaire en mettant en avant un justificatif premier et prépondérant par rapport à ses désirs du moment.



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