Samedi 27 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

Dr Ameth Apakana DIEME, conseiller politique de Nkruma Sané : ‘Entre Nkrumah Sané et Diamacoune, il y avait un rapport de légitimité symétrique’

Single Post
Dr Ameth Apakana DIEME, conseiller politique de Nkruma Sané : ‘Entre Nkrumah Sané et Diamacoune, il y avait un rapport de légitimité symétrique’
 Il est le représentant de Mamadou Nkruma Sané en Allemagne et en même temps son conseiller politique. Il est aussi l’animateur du cercle des intellectuels du Mfdc. Le Dr Ameth Apakana Diémé qui est venu se recueillir sur la dépouille de l’abbé Diamacoune Senghor. Il estime, dans l’entretien qu’il nous a accordé, qu’avec l’ouverture de vraies négociations sans a priori et avec les membres légitimes du Mfdc, le conflit casamançais pourrait trouver une solution. Il aborde également d’autres sujets comme les dissidences au sein de l’aile politique et d’Atika.

Wal Fadjri : M. Diémé, vous êtes le représentant du Mfdc en Allemagne et même temps, conseiller politique de Mamadou Nkruma Sané. Votre président, L’abbé Diamacoune Senghor est décédé il y a presque une semaine. On s’apprête à évacuer son corps au Sénégal. Quel sentiment vous habite ?

Dr Ameth Apakana Diémé : Un sentiment de tristesse, de peine et en même temps de responsabilité par rapport à l’héritage qu’il nous lègue. Un héritage qui est immense, pas facile à assumer. Mais le peuple de Casamance, depuis le déclenchement du mouvement de libération, avait déjà choisi ses leaders bien connus en la personne de Mamadou Nkruma Sané qui est appelé par l’histoire à assumer aujourd’hui à assumer cet héritage de l’abbé Diamacoune Senghor parce que sa légitimité tient à la fois à la naissance du Mfdc dont il est des initiateurs de la lutte de la libération en 1982, et un complice de lutte très lié à l’abbé Diamacoune Senghor qui le considère comme un confident. C’est la raison pour laquelle, en dépit de ce sentiment de tristesse, nous avons la foi que face à nous qu’il y a des fils de la Casamance qui sont prêts à prendre la relève.

Wal Fadjri : Si l’on vous demande de retenir quelques actions de Diamacoune, lesquelles avez-vous à évoquer ?

Dr Ameth Apakana Diémé : La première action, c’est d’avoir inauguré la lutte nationale du peuple casamançais sur le plan intellectuel et culturel. La deuxième, c’est d’avoir su rassembler l’ensemble des fils de la Casamance autour d’une cause que nous considérons comme sacrée. La troisième action que nous retenons de lui, c’est que c’est un homme de culture, de paix. A la fois, il y a une combinaison dans sa personnalité de l’homme de religion, de Dieu, un prêtre en l’occurrence. Cela lui a permis de se battre pour la libération de son peuple, même en étant attaché aux valeurs de paix, de liberté et de justice. Nous retenons, entres autres, quelques leçons politiques, notamment son leitmotiv qui revient souvent dans son discours et parfois mal compris, à savoir qu’il n’y aura de paix que dans la justice, dans la liberté et dans la vérité. Cela veut dire beaucoup de choses, entre autres, la vérité historique sur l’histoire de la Casamance, son statut juridique de l’époque coloniale, le fondement de sa lutte. La justice, c’est celle d’un combat qu’on accorde à un peuple pour son autodétermination. Enfin la paix, c’est tout simplement la méthode par laquelle on va arriver à ce but ultime, à la réalisation de cet idéal d’indépendance.

Wal Fadjri : Sa disparition semble créer un vide, comment appréhendez-vous l’avenir ?

Dr Ameth Apakana Diémé : Ça peut créer un vide parce que ce n’est pas facile de le remplacer compte tenu de son envergure. Mais au plan de l’organisation du Mfdc de 1990, on peut dire qu’il n’y a pas de vide, mais une continuité dans la lutte. Mais le symbole n’est pas facile à combler. Cependant, notre secrétaire général actuel, Mamadou Nkruma Sané va travailler dans ce sens. Ses conseillers, comme moi et Nicolas Sadio, son conseiller économique et social, nous allons travailler pour faire en sorte que l’homme puisse se battre dans le sens de mieux assumer cette responsabilité nouvelle.

Wal Fadjri : On sait qu’il y a des tendances. Comment allez-vous faire pour aplanir ces divergences ?

Dr Ameth Apakana Diémé : l’Etat, il y a des tendances. C’est-à-dire des tendances nourries et créées par l’Etat du Sénégal. Mais pour nous, il n’y a pas de tendances parce qu’être du Mfdc, c’est être indépendantiste. Or toute personne qui n’est pas indépendantiste - je fais allusion à quelqu’un comme Biagui (Jean Marie, Ndlr) - n’est pas du Mfdc. Il a son mouvement pour le fédéralisme et la démocratie constitutionnelle. S’agissant d’Ansoumana Badji, il s’est fourvoyé dans le processus de paix puisqu’il est allé négocier un processus de paix alors que Atika n’a pas rendu les armes. Il est allé négocier un processus de paix alors même que le processus historico-politico-juridique, c’est-à-dire l’indépendance, qui est à la base du conflit, est interdite sur la table de négociation. Il est allé négocier le processus de paix alors qu’il est blanchi et nourri par l’Etat du Sénégal. Il dispose d’une villa à Dakar avec une voiture. Il est traité un peu comme un ministre alors qu’il ne le mérite pas. En plus il se trouve que c’est un homme qui travaille comme une taupe pour le Sénégal.

Wal Fadjri : Ces gens ne peuvent-ils pas aussi vous dénier votre légitimité ? En quoi vous êtes plus légitimes qu’eux ?

Dr Ameth Apakana Diémé : Nous sommes légitimes parce que nous sommes indépendantistes et il n’y a de légitimité que par rapport à la problématique de l’indépendance. A partir du moment où ils ne sont plus indépendantistes, il ne se pose pas de légitimité comparative. Pour nous c’est comme cela que les choses fonctionnent. Il se trouve que Biagui et Ansoumana Badji ne sont plus indépendantistes. Donc pour nous, la légitimité se compare à l’aune de l’indépendantisme, du nationalisme casamançais et de l’histoire du Mouvement. La marche de 1982 n’a pas été organisée comme ça. C’est une marche du peuple casamançais qui avait choisi ses leaders. Pour nous, c’est là où se trouve la légitimité historique. Il y a aussi la légitimité symbolique avec Diamacoune et Nkrumah Sané. Et enfin il y a la légitimité idéologique nationaliste. C’est pourquoi nous considérons que les autres n’ont aucune légitimité, fondamentalement.

Wal Fadjri : Mais l’histoire est en mouvement. Dans ce cadre peut-on exclure Ansoumana Badji ou Jean Marie Biagui en basant sur la légitimité d’autant plus qu’eux aussi peuvent dire la même chose de vous ?

Dr Ameth Apakana Diémé : Il ne s’agit pas d’une exclusion, mais d’une auto-exclusion. Nous avons toujours appelé le peuple casamançais à militer pour une cause sacrée. Nous n’avons jamais exclu ces gens-là. Cependant, ils se sont auto-exclus de fait à partir du moment où ils adoptent une attitude non indépendantiste. Ils se sont auto-exclus du moment où ils se disent être pour le fédéralisme. Ce n’est pas une évolution du Mfdc. Pour l’évolution, ce sont les problèmes dans le maquis, ce sont les problèmes avec l’Etat du Sénégal, ce sont les difficultés dans la conduite de la lutte de la libération. C’est en ces termes-là qu’on doit parler d’histoire ou d’évolution. Pour nous, ils ne font plus partie de la roue de l’histoire.

Wal Fadjri : Pourtant de son vivant, Diamacoune avait nommé comme secrétaire général, Jean marie Biagui. Ce qui peut fonder quelque part sa légitimité par exemple…

Dr Ameth Apakana Diémé : Dans quel contexte Diamacoune a eu des relations avec Biagui ? C’est dans le contexte de la collaboration de Biagui avec Nkrumah Sané dès le départ en France. Il a travaillé aux côtés de Nkruma Sané jusqu’à ce qu’il eût accompli des missions au Canada par exemple. Par la suite, il a adopté une attitude de restructuration du Mfdc. En vérité, c’est un positionnement lié à des postes. Le deuxième contexte, c’est lorsqu’ils sont partis en Gambie pour le compte des assises inter Mfdc que nous - c’est-à-dire Mfdc authentique - considérons comme de la mascarade pour deux raisons. Premièrement, nous estimons que ce n’était pas des rencontres destinées à une relance de la lutte pour la libération. C’est une rencontre financée par l’Etat du Sénégal, même si c'est par le biais de l’Union européenne, Alexandre Djiba recevant l’argent. Deuxièmement, il se trouve que lors de ces rencontres en présence des autorités sénégalaises, l’idée de l’indépendance était tabou. Troisième contexte, à partir du moment où l’abbé Diamacoune est en résidence surveillée, il est hors de question que l’on considère que tout ce qu’il dit est quelque chose qui a une réalité politique pour le peuple casamançais en rapport avec sa lutte de libération. Voilà trois contextes qui nous permettent de dire que Biagui n’a aucune légitimité et que l’abbé Diamacoune Senghor, lui-même, ne s’est pas levé comme ça pour être secrétaire général du Mfdc. L’abbé Diamacoune a été choisi au même titre que Mamadou Nkrumah Sané par le peuple de Casamance pour diriger le Mouvement en 1982. Donc, le rapport entre Mamadou Nkrumah Sané et Diamacoune était un rapport de légitimité symétrique. C’est le peuple de Casamance qui a désigné Nkrumah Sané comme adjoint de Diamacoune. Pour nous, compte tenu de ces trois contextes et des éléments que je viens d’évoquer, il se trouve que nous ne pouvons pas considérer, jusqu’à preuve du contraire, que Biagui est quelque secrétaire que ce soit. D’autant plus qu’il est devenu par la suite fédéraliste.

Wal Fadjri : Même si vous niez l’existence de tendances dans l’aile politique, reconnaissez qu'il existe des fractions au sein d’Atika...

Dr Ameth Apakana Diémé : C’est vrai qu’il y a des fractions dissidentes au sein d’Atika. Là aussi, je crois que vous avez des éléments de réponse. On ne peut pas en discuter longuement. Je ne peux pas non plus vous donner des éléments secrets. Mais on peut dire que ces fractions tiennent essentiellement - ce n’est pas l’idée d’indépendance qui serait dénaturée - à un leadership. Salif Sadio voudrait être le chef suprême. César Badiate aussi, etc. Pour nous, ce sont des choses élémentaires même si cela a des impacts néfastes dans le cadre de la lutte de libération. Personnellement, je peux assurer que je travaille pour l’unité du maquis. Je pense que si Dieu le veut, on va réussir.

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui vous bloque sur le chemin de la négociation ?

Dr Ameth Apakana Diémé : Il faut dire que si les négociations sont toujours bloquées, c’est parce que l’Etat du Sénégal a une attitude de répression, de négation de l’idée de l’indépendance. C’est le principal problème. C’est de bonne guerre, me diriez-vous, parce que c’est un Etat qui tient à son unité. Mais lorsqu’on parle de négociations de paix dans le cadre d’une guerre, on ne peut pas faire l’économie de ce qui pose problème, à savoir l’indépendance de la Casamance. Je remercie au passage la proposition du président Mamadou Dia, même s’il n’est pas allé très loin, de mettre en place une conférence nationale - ce sont ses mots - sur le statut politique de la Casamance. Au moins, c’est intéressant. C’est beaucoup plus intéressant que des propositions technocratiques de 80 milliards pour la reconstruction de la Casamance, etc. Alors que ce n’est pas parce que les gens sont pauvres qu’ils sont allés dans le maquis. Les gens ont une idée. Ils ont pris les armes ; ils en ont marre et poursuivent un nationalisme casamançais. Le deuxième blocage, c’est que le Sénégal refuse que les négociations se tiennent en Europe, notamment en France, en Angleterre ou ailleurs. Aujourd’hui, je me bats pour que l’Allemagne aide le Mfdc et le Sénégal à abriter des négociations. Elle est même prête à le faire sans parti-pris aucun. Ni pour le Sénégal ni pour le Mfdc. Si je vous le dis, c’est parce que je suis en contact avec les autorités allemandes. Le troisième élément, c’est que les gens du Mfdc qui doivent négocier avec le Sénégal ne doivent pas être choisis par les autorités sénégalaises en fonction de leur penchant unioniste à l’intérieur du Sénégal, mais en fonction du nationalisme casamançais. Il ne faut pas que le Sénégal ignore qu’il y a des chefs bien indépendantistes incarnant un idéal et qui sont prêts à négocier. Et c’est dans ce cadre que se situe la position de Nkrumah Sané car il n’est pas opposé au processus de négociation.

Wal Fadjri : Pourquoi les négociations ne peuvent pas se tenir au Sénégal d’autant plus que les autorités ont pris l’engagement de garantir la sécurité de tous ?

Dr Ameth Apakana Diémé : Pour deux raisons ! La première, du point de vue du Sénégal, c’est que le problème de la Casamance est un problème de crise d’Etat nation. Si je parlais du point de vue du Mfdc, c’est un problème qui relève du droit international. Lorsqu’il y a un problème de cette nature, il me semble que l’Etat du Sénégal n’a pas à nous imposer un lieu où doivent se tenir les négociations parce que le Mfdc ne peut tenir des négociations sur le terrain du celui qu’il considère comme son bourreau, son occupant, son néo-colonisateur. C’est logique. Je vais vous dire que cette histoire de Foundiougne I ou de Foundiougne II est un piège. Pourquoi ? Parce qu’on a ethnicisé le problème casamançais en parlant en terme de cousinage entre Sérère et Diola. On pose un problème politique. Il faut que cela soit clair. Foundiougne est aussi un piège parce qu’on y est allé alors que nous voulons qu’on tienne des négociations en dehors du Sénégal. Cela peut être aussi en Afrique. Pourquoi pas en Afrique du Sud ou dans un pays neutre.

Wal Fadjri : Etes-vous prêts à renoncer à l’idée de l’indépendance ?

Dr Ameth Apakana Diémé : Vous posez là une question provocatrice. L’indépendance est tellement noble que nous ne pouvons y renoncer.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email