Editorial - L’année à larmes

Que de pleurs en 2007 ! Que de larmes ! Que de cœurs meurtris par les disparitions de personnalités publiques. Kéba Mbaye, Thierno Mountaga Tall, Abbé Augustin Diamacoune Senghor, Majhmout Diop, Thierno Mansour Barro, Sembène Ousmane, Serigne Saliou Mbacké et tant d’autres nous ont quittés durant cette année 2007. Laissant le vide autour d’eux, dans des moments où leurs voix étaient attendues sur bien de questions primordiales de la vie de la nation.

Les larmes de 2007 n’ont pas été seulement des larmes visibles. Le Sénégalais a pleuré en intériorisant son mal. Il a eu mal parce que sa chère démocratie, qui faisait sa fierté, a encore été malmenée. Et cela dès le début de l’année 2007 avec une marche de l’Opposition violemment réprimée. Et pourtant, le Sénégalais était en droit de penser que cette époque était révolue !

Cette répression violente constitue, tout de même, un épiphénomène comparé aux tripatouillages grossiers de la Constitution sénégalaise. Rien que pour des intérêts partisans. La démocratie en a souffert et tous ceux qui ont lutté et continuent de le faire l’ont durement ressenti dans leur chair.

Au rétroviseur, le constat est amer. Par la faute des différents acteurs du jeu politique sénégalais, l’Assemblée nationale, émanation du peuple sénégalais, se trouve amputée d’une bonne partie de l’Opposition dite significative qui a refusé de cautionner une mascarade électorale lors des dernières législatives.

De la politique, le Sénégalais était blasé. Normal, d’autant que la dépense quotidienne du Goorgoorlou primait sur tout. Et la situation devenait chaque jour plus compliquée. L’année 2007 est celle des hausses, les plus folles, des denrées de première nécessité, réduisant comme beurre au soleil le pouvoir d’achat des Sénégalais déjà fatigués. Gifle suprême, cette inflation galopante a débuté juste après les festivités marquant la prestation de serment du Président Abdoulaye Wade, fraichement réélu et celles consacrant le 47e anniversaire de l’indépendance du Sénégal. Dans ce contexte de privation où le Peuple pleure du pain, le train de vie de l’Etat était on ne peut plus dispendieux. Et pour se jouer des citoyens, l’Etat n’a rien trouvé de mieux que de prendre, dans le dernier trimestre de l’année, des pseudo- mesures, notamment la diminution des salaires des hautes autorités de la République.

Malgré cette situation, les citadins pouvaient s’estimer heureux en comparaison du drame vécu dans le monde rural. La famine ! L’année agricole a été, ni plus ni moins, catastrophique. Et les déclarations contraires et outrageantes du ministre de l’Agriculture n’y feront rien. C’est à la limite, s’il ne prenait pas les populations rurales pour des demeurés.

Des larmes, le sport en a procuré également aux Sénégalais en 2007 par le biais du basketball. Quel gâchis ! Pour la première fois de son histoire, le basketball sénégalais masculin se retrouvait à une… neuvième place africaine. Décevant ! La défaite en finale de l’Equipe nationale féminine de basketball lors de la coupe d’Afrique des nations n’était, certes, pas une catastrophe, mais elle a fait verser des larmes de peine au peuple sénégalais. Une Can qui s’est jouée au… Sénégal.

Des larmes qui se sont transformées en colère. C’est arrivé au Sénégal en 2007. Des larmes qui ont été versées dans plusieurs quartiers de Dakar pour protester contre la mesure de déguerpissement des marchands ambulants.

Les larmes ont aussi coulé. Des larmes de joie cette fois-ci. Des larmes consécutives à la création du Cardinal Théodore Adrien Sarr. Une consécration qui a fait le bonheur de tout un Sénégalais.

Que d’événements dramatiques, émotionnels ont rythmé 2007. Et autant que faire se peut, nous avons tenu à vous les relater dans nos colonnes le plus professionnellement possible. Avec aussi les insuffisances inhérentes à la nature humaine. Mais, un travail réalisé avec bonne foi dans lequel aucun effort n’a été ménagé.

Au seuil de cette année 2008, il est plus que judicieux de jeter un regard sur celle qui vient de se transformer en cendres après s’être consumée entièrement. Mais nous avons voulu que ce regard provienne des acteurs. C’est la raison pour laquelle dans ce spécial Regards sur 2007, ce sont plusieurs acteurs de différents domaines rythmant la société sénégalaise qui évoquent ce qu’ils ont retenu de ces 365 jours qui viennent de s’écouler. Et il en ressort une grande cassure durant cette année. Une cassure dans tous les domaines, dans tous les secteurs. Cassure dans la politique avec un fil du dialogue qui tarde à être renoué, avec une Assemblée nationale en quête de légitimité, la mise sur pied d’un Sénat où les 65 éléments sont directement nommés par le président de la République. Cassure dans la vie quotidienne avec l’appauvrissement des ménages, mais surtout cassure de certaines valeurs.

De nouveaux regards donc dans ces colonnes pour une année nouvelle qui, espérons-le, séchera les larmes de peine pour laisser des larmes de joie continuer à couler.

2008 mercis à tous ceux qui ont accepté d’offrir aux lecteurs du journal Le Quotidien leurs regards sur 2007.

Ps : C’est avec l’aimable autorisation du dramaturge Oumar Ndao que nous avons pris son titre initial du texte «La perte des quatre S»