Societe
ENTRE NOUS : Les « damnés » de la capitale
Sous un froid glacial, elle dort à la belle étoile à côté d’une banque de l’avenue Roume. Entourée de ses deux mômes, elle porte en elle la lourdeur et la tristesse du monde. Cette dame fait partie de ces multiples créatures qui vivent la cruauté de la capitale. Une ville qui se refuse de leur offrir son hospitalité. Ces paumés qui voyaient en Dakar leur Eldorado ont fini de se convaincre qu’ils avaient pris leur désir pour la réalité. Devant l’âpreté des conditions de vie, ils ont cherché à survivre. La solution est vite trouvée. Adhérer à la République de la main tendue. « Nous vivons de la générosité des autres” lance un quinquagénaire qui a élu domicile aux abords de la cathédrale, avec sa chambre en carton. Engoncé dans un manteau qui rappelle Louis XIV, notre interlocuteur se souvient du temps où Dakar brillait de 1000 feux. Après des décennies passées dans la mélasse dakaroise, cet homme tire sur tout ce qui bouge. Il en veut aux politiciens : « Ils ont pillé nos richessese lâche–t-il à la vue d’un gros bonnet, à bord d’une grosse cylindrée. Ce spectacle désolant, de personnes dans l’extrême pauvreté, contraste mal avec les immeubles et les coins chauds du centre-ville. Cette catégorie de Sénégalais que certains, à l’inspiration féconde, appellent les « damnés », constitue les grands oubliés de la métropole dakaroise. Ils n’arrivent pas encore à bénéficier des fruits d’une croissance clamée urbi et orbi par les gestionnaires du pouvoir. Ils semblent exclus de la marche du peuple. Blottis dans leurs habitations de fortune, attendant un bon Samaritain, ils s’interrogent sur leur mal-vivre. Des questions s’enchevêtrent dans leur esprit : « Qu’avons-nous fait à Dieu pour vivre dans la dèche éternelle ? Sommes- nous victimes de malédiction ? Le monde s’effondre-t–il à nos pieds ? Autant de questions que ces’ damnés’ se posent. Ils trouveront peut-être des réponses à leurs questionnements dans un monde de plus en plus ingrat, assimilable à une jungle, où les forts écrasent les faibles. En attendant, la capitale dakaroise continue sa marche discriminatoire avec son lot de détresses et de désolations. Ces marginaux qui subissent le poids de l’exclusion vont se confiner dans leur ghetto tout en psalmodiant” le Grand Soir est pour bientôt » pour emprunter la rhétorique des marxistes.
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