«Je me suis trompé ». Telle a été une des raisons avancées par feu Kéba Mbaye pour expliquer sa démission de la présidence du Conseil constitutionnel, le 2 mars 1993. Dans sa lettre de démission adressée à l’ancien Président de la République du Sénégal, Abdou Diouf, on pouvait constater qu’il ne s’était pas trompé sur le nouveau code électoral (code consensuel élaboré en 1992) qui restait selon lui, «une œuvre de premier ordre». Mais sur ses attentes par rapport à ce code à savoir «qu’il puisse servir à l’élévation des mentalités vers l’acceptation sans réserve du jeu démocratique». Est-ce à dire qu’il soupçonnait un hold-up électoral organisé par le parti au pouvoir, le Parti socialiste ? Etait-il dans l’impossibilité de publier, en sa qualité de Président du Conseil constitutionnel, des résultats qui n’étaient pas conformes à la réalité par souci d’éthique et de morale ? N’avait-il pas constaté qu’une partie de la classe politique commencer à déroger aux règles contenues dans le code électoral, malgré ses gros efforts déployés ? N’était-il pas trahi ? N’avait-il pas une grande déception ? Ne se désolait-il pas du comportement des politiciens surtout par rapport à l’appréciation qui était faite de son code électoral et surtout par rapport aux dispositions d’esprit que les uns et les autres faisaient montre quant à l’application effective du texte ? En tout cas, tout questionnement est permis. Sur les colonnes de « Sud quotidien » n°21, édition du 3 mars 1993, Kéba Mbaye était largement revenu sur sa démission. Répondant à une question, feu le juge avançait ceci : « Compte tenu du rôle que j’ai joué dans l’élaboration du code électoral, en tant que président de la Commission cellulaire de réforme, de tout ce que j’en attendais et de ce que je vois actuellement, je considère que je suis arrivé à un échec ». Il continuait pour expliquer sa décision. «La seule chose déterminante dans ma décision c’est le fait que je me suis aperçu que j’étais dans l’erreur. Je m’étais trompé. Mais depuis qu’on a adopté ce code je me suis dit que le Sénégal a passé la barre mais je me rends compte qu’il se trouve maintenant de l’autre côté». Dans son ouvrage « Propos d’un juge », édité à titre posthume par les Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, Kéba Mbaye affirme : «…je m’aperçus une nouvelle fois que je n’avais pas la mentalité d’un homme politique parce que je dis comme beaucoup de gens, ce que je pense comme je le pense».
Kéba Mbaye décédé en janvier 2007 avait démissionné, «sans consultation préalable de son guide Serigne Abdou Aziz Sy ou de sa vieille mère, qu’il dit pourtant consulter «avant chacune de ces décisions». Pour rappel, c’est en 1992, que le Président Abdou Diouf lui avait demandé par l’intermédiaire de Famara Sagna, ancien président du Conseil économique et social, de proposer au gouvernement une réforme du Code électoral qui avait été à la base de récriminations de la part des partis d’opposition et qui avait provoqué plusieurs manifestations après les élections. Cela a abouti à un nouveau code électoral dont chacun disait que c’était le meilleur qui soit. L’adoption du code par les partis politiques fut une fête. Il fut remplacé à la tête du Conseil constitutionnel par Youssou Ndiaye qui était président de la Cour de cassation. Plus tard, précisément le 15 mai 1993, Me Sèye sera assassiné.
0 Commentaires
Participer à la Discussion