FREDERIC TREFFEL, UNIVERSITAIRE FRANÇAIS : « L’Afrique prendra au XXIe siècle une place exceptionnelle au niveau politique, géopolitique et stratégique »

Ancien membre du Haut conseil à l’intégration français et professeur des universités associé en Sciences politiques et en Communication à l’Université de Cergy-Pontoise, Frédéric Treffel fait partie des intellectuels qui estiment que le XXIe siècle est celui de l’Afrique. Interrogé à l’issue d’une conférence sur la place de l’Afrique dans la Mondialisation, qu’il animait au Cesti le 5 février dernier, il affirme que le continent aura une place considérable sur les relations internationales au cours de ce siècle.

Vous venez d’animer une conférence intitulée : « La nouvelle image de l’Afrique : diversité et Mondialisation ». Pouvez-vous nous dire quelle est cette nouvelle image de l’Afrique que vous cherchez à montrer ?

La vision de l’Afrique qui est souvent diffusée par les médiats occidentaux, c’est une vision négative. On évoque l’Afrique à l’occasion de crises : catastrophes, famine, pauvreté, violences ou guerres. Mais des éléments de changements, d’évolution, de progrès se font jour. Et il faut s’en réjouir. Les facteurs de changement sont essentiellement les suivants : D’abord, la démocratisation des pays africains depuis le début des années 1990, caractérisée par des régimes représentatifs, pluralistes et la liberté de la presse. Ensuite, la croissance économique du continent qui est de 5 % à 6 % aujourd’hui et devrait atteindre prochainement entre 9 % et 12 %, taux nécessaire pour assurer le décollage africain.

Récemment, le philosophe sénégalais, Souleymane Bachir Diagne, disait que l’heure de l’Afrique est venue. Partagez-vous cet avis ?

L’Afrique va exploser au niveau économique, compte tenu de ses ressources naturelles, de sa démographie et au niveau culturel. Je rappellerai simplement qu’aujourd’hui, l’Afrique subsaharienne comprend 150 millions de personnes à peu près. Et compte tenu du développement démographique et de l’éducation, on devrait compter dans les années 2050 450 millions rien que des francophones. Les échanges économiques, commerciaux et culturels sont appelés à se développer.

Tout de même, sans verser dans le pessimisme, bien entendu, avec tous les problèmes sur le continent, cela ne relève-t-il pas de l’angélisme que de dire que l’avenir de l’Afrique est rose ?

Un des enjeux essentiels auquel est confrontée l’Afrique est naturellement la nécessité de son unité. Mais fondamentalement, rien ne se fera sans que les Africains ressentent, aspirent et réalisent cette unité qui, seule peut leur permettre de se présenter unis face au monde extérieur et de mettre en commun leurs moyens, leurs ressources, leurs objectifs afin d’exister de manière pleine et entière.

La philosophe française, Catherine Clément, disait que l’Afrique n’a pas une claire conscience de sa force. Etes-vous également de cet avis, d’après tout ce que vous venez de dire sur le potentiel africain mais que le continent tarde à se développer ?

Je pense que la confiance en soi est essentielle pour toute réussite individuelle ou collective. Un homme politique et écrivain français, Alain Peyrefitte, avait écrit deux ouvrages : « Quand la Chine s’éveillera » et « La société de confiance ». Je pense que la confiance est essentielle et indispensable pour permettre d’écrire le troisième ouvrage ...« L’éveil de l’Afrique »

On parle de plus en plus d’une gouvernance mondiale. Quel rôle doit y jouer l’Afrique ?

Je pense que l’Afrique prendra au XXIe siècle une place exceptionnelle au niveau politique, géopolitique et stratégique. Il convient naturellement de discuter de la place de l’Afrique et de sa représentation au sein des différentes organisations internationales et au sein des institutions qui jouent un rôle prépondérant dans le règlement des conflits.

Durant votre conférence, vous avez fait l’éloge de la Francophonie. Comment convaincre, pour reprendre vos mots, que finalement ce n’est pas « une lubie de quelques chefs d’Etats » ou « un mot à l’air » si l’on sait que cette organisation peine à peser sur les grandes décisions du monde et que la France, qui devrait être son moteur, semble se désintéresser ?

La Francophonie est un facteur d’unité dans la mesure où elle permet aux uns et aux autres de communiquer. Elle est aussi un facteur de diversité dans la mesure où elle permet à chacun de s’enrichir de l’expérience de l’autre. La Francophonie est ce qui permet de donner une voix au niveau international à un certain nombre de leaders qui, autrement, ne seraient pas entendus. La Francophonie est un moyen de communiquer, pour les pays qui y appartiennent, avec le reste du monde. Elle donne une lisibilité non seulement à des œuvres littéraires mais aussi à des paroles et à des actes politiques sur la scène du monde. La Francophonie, c’est ce qui permet également à l’intérieur d’un même pays à diverses ethnies de communiquer entre elles qui, autrement, s’ignoreraient ou seraient confrontées à une situation de violence.