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IBRAHIMA THIAM, PRESIDENT ARREC (CEDEAO) « La Senelec n’a pas vocation à faire des bénéfices… »

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IBRAHIMA THIAM, PRESIDENT ARREC (CEDEAO) « La Senelec n’a pas vocation à faire des bénéfices… »

Monsieur Ibrahima Thiam est ingénieur centralien. Cet ancien président de la Commission de régulation du secteur de l’électricité du Sénégal (Crses) est nommé, depuis début avril dernier, président de l’Autorité de régulation régionale du secteur de l’électricité de la Cedeao (Arrec) avec poste à Accra au Ghana. Auparavant, M. Thiam a été directeur de l’Energie de l’Uemoa et directeur général de l’Agence sénégalaise de l’électrification rurale (Aser) après une carrière de cadre à la Senelec.

M. Thiam nous parlent de la politique énergétique régionale et de l’intérêt que pourrait en tirer un pays comme le Sénégal, confronté à une crise énergétique chronique. Avec une politique de tarification de la part de la Senelec très critiquée.

Monsieur le Président, qu’elle est la mission de l’Arrec ?

L’Arrec est une institution spécialisée autonome ayant pour mission d’introduire une régulation des échanges transfrontaliers d’électricité et d’apporter un soutien aux mécanismes de régulation nationale du secteur de l’électricité des Etats membres.

Qu’est-ce qu’un pays, confronté à une crise énergétique chronique comme le Sénégal, peut attendre de l’Arrec ?

(...) Après la dévaluation du FCFA en 1994, nos Etats se sont engagés dans une nouvelle dynamique de coopération et d’intégration aussi bien au sein de l’Uemoa que de la Cedeao, mais aussi plus récemment avec l’avènement du Nepad et la création de l’Union africaine. C’est ainsi que, dans le domaine de l’énergie, le programme énergétique communautaire de l’Uemoa et le protocole sur l’énergie de la Cedeao mettent en exergue l’accélération de l’interconnexion des réseaux électriques. En 1999, après une réunion des ministres en charge de l’Energie de la Cedeao, la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement a décidé de créer le Système d’échanges d’énergie électrique ouest africain (West African Power Pool).

Pour en revenir à votre question, le Sénégal est peu doté en ressources d’énergie primaire en dehors du solaire, mais l’espace Cedeao est abondamment doté en pétrole, en gaz naturel, en charbon, en hydroélectricité et même en uranium. Il s’agit de créer un marché régional avec un environnement de bonne gouvernance permettant de développer des projets d’envergure, de valoriser et de mettre en compétition l’ensemble des ressources énergétiques de la sous-région pour un approvisionnement satisfaisant de la Communauté. Dans la sous-région, nous retrouvons partout les mêmes problèmes : un faible taux d’accès à une électricité chère et de mauvaise qualité et une gestion pas toujours rigoureuse des sociétés d’électricité, des schémas de réforme, soit inadéquats soit mal appliqués. Il y a les ressources, il y a la demande, mais l’offre ne suit pas, il y a parfois un problème de gouvernance pour certains pays. Il nous faut créer un environnement attractif pour l’investissement privé en définissant les règles de fonctionnement du marché régional et en veillant à leur respect, en disséminant les meilleures pratiques avec un benchmarking (Ndlr : analyse comparative) et en fixant, dans la transparence et le professionnalisme, les procédures de résolution des différends. D’une façon générale, il s’agit de mutualiser des ressources et les besoins. Le Sénégal, avec l’avènement d’un marché ouest africain de l’électricité, aura accès à une électricité plus abondante, à moindre coût et de meilleure qualité.

L’électricité coûte très chère au Sénégal, qu’en est-il des autres pays de la Communauté ?

Le Sénégal fait partie des pays dont le taux de couverture est le plus élevé au niveau de la Cedeao ; ceci, en dehors de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Aussi avons-nous une péréquation tarifaire sur l’ensemble du territoire national, ce qui est tout à fait juste sur le plan social. Il faut ajouter à cela que c’est l’un des pays les moins bien dotés en ressources conventionnelles. Il faut noter que 92% de la production du Sénégal est d’origine thermique, donc à base de produits pétroliers importés. Par conséquent, il faut retenir deux facteurs : le taux de couverture qui atteint des zones qui sont un peu plus reculées, mais aussi l’absence de ressources énergétiques nationales. Voilà pourquoi le Sénégal est dans la fourchette des pays les plus chers de la sous-région.

Quelles solutions pour permettre au Sénégalais moyen d’avoir une facture moins salée ?

La première solution, c’est d’abord la diversification : se défaire de la tyrannie du pétrole pour avoir d’autres sources d’approvisionnement, avoir de l’électricité à partir du charbon, de la biomasse, des déchets urbains, développer l’énergie éolienne, l’énergie solaire, développer la coopération et l’intégration énergétiques avec les pays de la sous-région. Mais aussi continuer les réformes et les efforts d’amélioration de la gouvernance du secteur, mettre en œuvre les mesures d’efficacité énergétique. Il faut développer les interconnections avec les autres réseaux nationaux, faire une planification régionale, développer des projets de grande envergure au plan régional avec un environnement des affaires assaini dans les différents pays, assurer une harmonisation des politiques, des institutions, des normes et des pratiques dans le secteur pour l’ensemble de la sous-région ; et le Sénégal a tout à gagner.

Vous venez de quitter la Commission de régulation du secteur de l’électricité (Crse) dans un contexte marqué par la hausse de l’électricité de 8%. Quelle appréciation faites-vous de cette inflation ?

Il ne faut pas qu’on se voile la face. Nous sommes dans un contexte de crise financière mondiale. Il y a la raréfaction des ressources et nous avons besoin de développer des projets innovants, mais très capitalistiques. Aujourd’hui, il faut préserver l’équilibre financier du secteur sinon, on cesse tout simplement de produire de l’électricité. Il y a eu deux tentatives de privatisation et il n’y a pas eu de repreneur parce que le secteur de l’électricité n’était plus attractif, pas seulement au Sénégal, mais partout dans le monde. Avec des multinationales qui dégringolaient, personne n’était porté à investir dans le secteur de l’électricité. De ce point de vue, on a une marge de manœuvre très faible à court terme, la Senelec est revenue dans le giron de l’Etat, il faut protéger les consommateurs, mais également, préserver l’équilibre de l’entreprise et du secteur afin que les investisseurs puissent s’assurer qu’en y mettant leurs billes, ils ont la garantie d’un retour d’investissement correct.

Parlant de bailleurs de fonds, vous confortez certains compatriotes qui pensent ce sont ces mêmes bailleurs qui tordent le bras au gouvernement en le contraignant à prendre souvent des décisions impopulaires ?

Il ne s’agit pas du tout de tordre le bras au gouvernement, mais une réalité est que : l’argent va là où il peut être fructifié ; les investissements vont là où ils sont sécurisés. Nous sommes dans un secteur industriel et commercial, il y a des ratios de gestion qu’il faut respecter pour garantir la viabilité des entreprises du secteur et pour conforter le secteur privé à mettre ses billes. Les bailleurs de fonds ne font qu’un encadrement pour assurer que le pays est crédible, mais c’est la réalité économique du moment qui doit commander les actes à poser. Celui qui finance un projet s’assure au moins de la capacité de l’emprunteur à respecter ses engagements. Il y a une formule de contrôle des revenus qui est tout à fait transparente ; les réajustements sont faits à partir de l’évolution des paramètres comme l’inflation sur lesquels l’opérateur n’a aucune influence. Ces paramètres sont réajustés tous les trimestres avec des revues mensuelles du revenu maximum autorisé. La Senelec n’a pas vocation à faire des bénéfices, mais elle doit équilibrer ses comptes.



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