[ Dossier ] L’ENFANT PRÉFÉRÉ DES PARENTS : Un bout de jalousie au sein de la famille

Souvent, dans les familles, les parents portent leur préférence sur un enfant plutôt que sur un autre. La ressemblance, la polygamie, l’homonymie en sont, entre autres, des raisons. Toujours est-il que ces « préférences visibles » constituent une réalité familiale palpable.

« Parfois, il m’arrive d’en vouloir à mon père », confie A.S. au détour d’une conversation. Les raisons de ce courroux plus que surprenant c’est qu’elle est issue d’une famille polygame. C’est lorsque cette étudiante en géographie avait sept ans que son papa a pris une deuxième épouse. Du coup, soutient-elle, la vie en famille devenait de plus en plus difficile. Tout comme celle de sa maman qui se « transformait tout doucement en enfer, au profit de ma tante et de ses enfants ». La timide et frêle jeune fille de préciser : «C’est parce que mon papa a pris une seconde épouse que notre vie a totalement changé ». Elle lâche : « J’avoue qu’il m’arrive de vouloir lui faire payer les souffrances qu’il nous a fait endurer ». A. S. a fait ses débuts scolaires dans une école privée. Mais au bout de trois ans, son papa « ne pouvant plus supportait les dépenses » avait voulu la transférer dans une école publique. C’est alors que sa maman s’est mise dans le petit commerce afin de pouvoir assurer la scolarité de sa fille aînée. Aujourd’hui, si A.S. garde espoir dans cette vie et persévère à l’école, « c’est surtout pour mettre maman à l’abri du besoin ». Ces conditions difficiles dans lesquelles elle, ses frères et sa maman ont vécu, n’ont pas connu de changement. Au contraire, elles se sont aggravées. Pendant ce temps, sa tante et ses enfants leur ont ravi la vedette.

Selon une enquête sur les ménages sénégalais, publiée en 2004 par l’Institut de la statistique et de la démographie du Sénégal, devenue Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), un quart des mariages au Sénégal, soit 24,6%, était en 2002 polygames. Présentement des sources portent même ce chiffre à 47%. En tous cas, selon Oustaz Assane Seck, la polygamie fait partie des causes pouvant pousser un parent à préférer un des leurs enfants au détriment des autres. Selon l’arabisant et par ailleurs animateur d’émission religieux à la Radio télévision sénégalaise (Rts), l’homme qui a conçu un enfant au lendemain d’une seconde noce, peut transférer l’amour qu’il voue à sa deuxième épouse à cet enfant. Comme un trophée de chasse, il tend à voir à travers cet enfant, une certaine réussite. Ce qui est un motif suffisant pour le chouchouter à souhait.

Pour la vieille dame Fatou Diouf, la discipline ou la proximité sentimentale, peut aussi rapprocher un parent à son enfant. A l’en croire, généralement les hommes préfèrent avoir des garçons et les femmes des filles. « La réalisation de ces désirs peut-être déterminante dans les rapports entre parents et enfants », dit-elle. Une thèse que défend également Oustaz Assane Seck. A l’en croire, le fait qu’une épouse soit plus soumise que sa co-épouse peut avoir des répercussions différentes sur leurs progénitures respectives. « Le père peut privilégier les enfants de l’épouse soumise pour se venger de la non soumise », explique Oustaz Seck. En effet, soutient le religieux, les tributs nomades arabes préféraient les fils aux filles parce qu’en période de guerre, ce sont les filles qu’on capturait et qu’on transformait en esclaves. L’autre raison donnée par l’Abbé Alain Maurice Ataba de la paroisse de Ouakam, c’est que dans une famille où il y a plusieurs garçons et une fille, celle-ci est plus favorisée par ses parents, que ses frères et vice versa. « Dans ma famille, on est quatre garçons et une fille et c’est la fille qui est la plus choyée de nous tous », témoigne le religieux.

Au Sénégal, soutient Madame Diouf, on a tendance à donner généralement le nom de son père à un de ses fils (Pape) ou celui de sa mère à une de ses filles (Ndèye). A l’en croire, ces fils et filles sont beaucoup plus choyés par leurs parents que d’autres. De son point de vue, ces parents vouent à ces descendants particuliers, le respect, la considération, voire l’amour qu’ils allaient voués à leurs ascendants. Fatou Diouf explique aussi que certaines préférences ont leurs soubassements dans le fait que certaines mamans ont connue une maternité tardive ou difficile et les enfants qui naissent de ces maternités, bénéficient plus de faveurs que d’autres. Tout comme les enfants uniques.

La ressemblance est une autre raison avancée par l’enseignant B.Camara. « J’ai un frère qui est la copie conforme de mon grandpère. Ils s’entendent comme larrons en foire », témoigne-t-il. « Bon sang ne saurait mentir », it le proverbe, mais en vérité, les parents ont un penchant plus prononcé pour les enfants qui leur ressemblent ; même s’ils n’en parlent pas trop souvent. S’il est avéré que les parents, pour une raison ou pour une autre, portent leurs choix sur un enfant plutôt que sur un autre, il n’en demeure pas moins évident que certains ne veulent pas du tout reconnaître leurs actes. C’est le cas de cette jeune maman, parlant sous le couvert de l’anonymat, qui botte en touche. De son point de vue, certains enfants sont disciplinés, d’autres des durs à cuire. Il est, soutient-elle, beaucoup plus facile de s’entendre avec les premiers que les seconds.