La situation de crise sociale dans laquelle est installée la société de transport Dakar Dem Dikk (Ddd) a pris une nouvelle tournure. Après la sortie du Directeur général Christian Salvy, qualifiant l'un des trois syndicats de sa boîte «d'éternel insatisfait et d'inventeur», la réplique de l'Union démocratique des travailleurs de Dakar Dem Dikk (Udt-3D) ne s'est pas fait attendre. Pour démentir M. Salvy, le Secrétaire général dudit syndicat, Mamadou Goudiaby, qui faisait face à la presse ce samedi, a exhibé les rapports de l'ex-Pca Farba Senghor et ceux des cabinets d'audit Cgf Bourse et Kpmg, avant d'étaler les statistiques de la direction montrant que le parc des bus meurt «lentement, mais sûrement, pour l'arrêt total sous peu».
Au moment où le ministre des Transports terrestres, Abdourahim Agne, cherche une solution de sortie de crise pour éviter la grève annoncée à Dakar Dem Dikk (Ddd), le 19 mars prochain, la guerre des déclarations par presse interposée fait rage entre la direction de ladite société et une partie de son personnel. Après la sortie de Christian Salvy soutenant que tous les audits effectués dans la société qu'il dirige ont certifié le caractère «irréprochable» de sa gestion, face à un syndicat «d'inventeurs et d'éternels insatisfaits», l'Union démocratique des travailleurs de Dakar Dem Dikk (Udt-3D) lui réplique en exhibant les résultats des différentes enquêtes qui y ont été menées.
Farba Senghor avait noté des «irrégularités»
L'ancien président du Conseil d'administration (Pca) de Ddd, Farba Senghor, avait fait «un rapport spécial sur la gestion de l'entreprise en relevant des irrégularités flagrantes», relève Mamadou Goudiaby, Secrétaire général de l'Udt-3D. «Des révélations graves du Pca sont dans ce rapport où ce dernier mentionne que 174 millions de F Cfa ont été remis au Dg Christian Salvy pour la réfection des deux dépôts. Le Pca d'alors constate par écrit que les dépôts sont restés en l'état délabré. 30 millions de F Cfa ont été dépensés pour l'élaboration d'un manuel de procédures, alors que 12 millions de F Cfa suffisaient, selon ce Pca. De même, des recettes de la publicité n'ont pas fait l'objet d'écritures comptables et comme explication, Christian Salvy a déclaré au Pca qu'il s'agissait de simples essais».
Les griefs du cabinet Cgf-Bourse confirmés 8 ans plus tard par l'Armp
Et plus récemment, l'Autorité de régulation des marchés publics (Armp) a eu à épingler la gestion de la société Dakar-Dem-Dikk (Ddd), souligne Mamadou Goudiaby, qui demande à Christian Salvy où se trouve l'irréprochabilité quand l'Armp déplore «l'absence d'une comptabilité-matières» et «l'utilisation abusive et irrégulière des achats directs», en confirmant ainsi ce que le cabinet Cgf Bourse avait dénoncé 8 ans plus tôt. Ce cabinet avait décrié les marchés de gré à gré et recommandé à la direction de se conformer à la réglementation, révèle M. Goudiaby, selon qui le même audit avait relevé sur le bilan financier 2001-2005 que «les comptes n'étaient pas certifiés par le commissaire du Conseil d'administration». Sur ce même registre, indique le leader de l'Udt-3D, «après cinq ans d'exercice, l'endettement de Ddd était à 9 milliards que l'Etat avait épongés». Mais, «aujourd'hui, l'endettement a repris de plus belle», dit-il avant de signaler qu'au plan social, «le rapport de cet audit mentionne que la direction soutient avoir subventionné à hauteur de 20 millions de F Cfa la coopérative de consommation, alors que le président de la coopérative déclare n'avoir jamais reçu cette subvention. Ce dossier est entre les mains des enquêteurs de la Dic».
Le Cabinet Kpmg décèle des contrats exagérés
Pour prouver que la gestion de Christian Salvy relève de la «gabegie», le Secrétaire général de l'Udt-3D exhume le rapport d'audit de 2009. Le rapport du cabinet Kpmg qui, dit-il, fait remarquer que «Ddd doit des impôts à l'Etat et ne pourra jamais supporter le recrutement de 50 cadres que la direction envisageait de faire». Pis «des discriminations dans le traitement des salaires des agents» ont été constatées, à en croire M. Goudiaby qui explique que le rapport de ce dernier audit a épinglé Ddd parce qu'«il a considéré que des contrats sont exagérés et ne sont pas à l'avantage de Ddd». L'Udt-3D en veut pour preuve «la cession de la publicité moyennant 40% au prestataire alors que 10% suffisaient». Face à cette situation, l'Udt-3D veut mener son combat jusqu'au bout pour «la suppression de ces contrats et leur attribution exclusive».
Comment un condamné pour abus de confiance peut-il parler de gestion «irréprochable» ?
En dehors des rapports d'audit qu'ils soulèvent pour confondre leur Directeur général, les responsables de l'Udt-3D ont également exhumé la condamnation dont Christian Salvy a fait l'objet, le 12 juillet 2007. Brandissant la décision du Tribunal correctionnel dans l'affaire opposant ce dernier à la Coopérative d'habitat de Ddd portant sur le prélèvement et le non-reversement d'une somme de 104 millions de F Cfa, Mamadou Goudiaby se demande comment un condamné pour abus de confiance peut-il parler de gestion «irréprochable» ? Parce que, lit-il sur la décision de justice : «Le tribunal déclare Christian Salvy coupable du délit d'abus de confiance, le condamne à un emprisonnement avec sursis de trois mois, reçoit la constitution de partie civile de la Coopérative d'habitat des travailleurs de Dakar Dem Dikk. Y faisant droit, condamne le prévenu à lui payer la somme de 200 000 000 F Cfa à titre de dommages et intérêts. Déclare la société Dakar Dem Dikk civilement responsable et ordonne l'exécution provisoire. Fixe la contrainte par corps au maximum. Condamne le prévenu ainsi que la société Dakar Dem Dikk aux dépens». Il convient cependant de préciser que Christian Salvy avait interjeté appel après la publication de cette condamnation. Quoi qu'il en soit, l'Udt-3D estime que «pour mettre à l'aise le chef de l'Etat, le Directeur général de Ddd devrait suivre l'exemple de fonctionnaires émérites de la nation qui, dès qu'ils ont été poursuivis par la justice, ont vite démissionné de leurs postes de responsabilité».
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