Les papiers de la plupart des correspondants régionaux seraient-ils écrits avec les lunettes de ceux qui les inspirent ? Le phénomène, de portée générale cependant, interpelle la conscience des premiers responsables : les patrons de presse.
« Les correspondants des différents organes de presse règnent en maîtres et en seigneurs au niveau des régions où ils exercent ». Ces propos outrés sont d’un confrère qui nous a répondu ainsi suite à notre étonnement face à toute cette agitation autour de Assane Dia, l’un des chargés de communication du ministère de la Culture, du Patrimoine historique classé, des Langues nationales et de la Francophonie.
C’était le jour de l’ouverture au stade Me Babacar Sèye, à Saint Louis, du 6è Festival national des arts et de la culture (Fesnac). M. Dia a littéralement été assiégé par une meute de correspondants régionaux qui lui réclamaient des perdiums. « Je ne remettrai leurs perdiums qu’à ceux qui sont sur ma liste », a rétorqué le conseiller. « En tout cas nous formons une famille », a répliqué celui qui semble être le porte-parole des membres de la « famille » en question, ou de la « communauté des mange-mil », ainsi qu’ils sont désignés par d’autres qui désapprouvent leurs comportements. Et le porte-parole de poursuivre : « Si vous ne donnez pas à tout le monde, les oubliés seraient tentés d’écrire dans un sens qui ne vous arrange pas » (sic). La chose est ainsi clairement dite, à haute et audible voix, en public : l’orientation d’un papier s’achète ! Il en est ainsi, dit-on, avec les correspondants à Saint-Louis, comme dans pratiquement toutes les régions.
« Ce qui m’a frappé, disait un confrère dakarois nouvellement affecté à Louga, c’est cette mobilisation des camarades pour exiger de l’argent aux organisateurs de telle ou telle manifestation. Il me semble qu’ils en ont fait une question de principe ». Et, d’après ce confrère, la situation n’est pas prête de changer parce que, dit-il, « nous sommes dans le cas d’un système entretenu surtout par des responsables locaux, politiques en l’occurrence ».
Autrement dit, « les enjeux au niveau des régions sont tels que chacun cherche à se positionner au détriment de l’autre ». Et « dans cette perspective, « tous les moyens sont permis ». Y compris et surtout le meilleur de tous : le « journaliste ». Le fonctionnement du système est tellement bien assimilé qu’il arrive, aux dires de certains interlocuteurs, que des « journalistes » s’en prennent ouvertement à leurs « cibles » en ces termes : « Vous déboursez, ou je dégaine ». Mis à part l’option individuelle pour le sensationnalisme et/ou le catastrophisme des uns, les papiers de la plupart des correspondants seraient-ils écrits avec les lunettes de ceux qui les inspirent ? En tout état de cause, le ministre de la Culture, du Patrimoine historique classé, des Langues nationales et de la Francophonie, Mame Birame Diouf, a semblé avoir fait les frais de cette démarche lors du Fesnac saint-louisien.
Le phénomène a tendance à être général, et il serait à la fois réducteur et tendancieux de le circonscrire aux seules limites des régions. Cela dit, la responsabilité des Rédactions et des patrons de presse est engagée tant du point de vue moral, de la formation que du traitement des journalistes, selon les différents points de vue émis ici et là.
Mais « cela suppose que ces patrons soient eux-mêmes plus vertueux que leurs journalistes », n’a pu s’empêcher de faire remarquer un confrère qui souligne par ailleurs le fait que « ces patrons préfèrent recourir à des gens qui, à la base, n’ont rien à faire dans le métier, mais qui leur servent de moyens pour des économies ». En prose, cela veut dire, du point de vue de ces patrons-là, qu’un « non-journaliste » est plus « rentable » qu’un journaliste formé et diplômé.
0 Commentaires
Participer à la Discussion