Le travail de lavandière à Dakar est un métier très fatigant et peu rentable. C’est ce qu’affirment les braves femmes qui quittent leurs villages pour venir en ville exercer ce métier. Des dames confrontées à toutes sortes de difficultés et parfois même accusées de vols par ceux-là qui les font travail. Malgré tout, avec le peu qu'elles arrivent à économiser, elles parviennent tant bien que mal à faire vivre leurs familles restées au village.
La pauvreté et le manque de travail ont fini de s'installer dans le pays, à telle enseigne que chacun cherche quelque chose à faire pour pouvoir survivre. Les uns se lancent dans le petit commerce, comme la vente des jus de fruit, des arachides ou des beignets. D'autres exercent le métier de gens de maison. D’autres encore ont choisi de faire le travail de lavandière ou lingère. Un métier très dur qui demande beaucoup d'énergie et de force. Jadis exercé à l'intérieur des maisons, ce travail se pratique aujourd'hui en plein air, sur différents axes de la capitale, surtout dans des quartiers comme Médina, Fass, Gueule-Tapée, Grand-Yoff, Parcelle assainies etc. Au niveau de la Médina, les lavandières occupent les trottoirs de nombreuses rues et ruelles. Ce qui fait que les piétons ont du mal à circuler quelquefois, parce que tout simplement ces lingères occupent le trottoir. C’est un décor du genre qui règne également au niveau de la Gueule-Tapée, notamment sur les allées qui longent le Canal 4. Trouvées le long du Canal, trois dames et deux jeunes filles, toutes munies des bassines remplies d'eau, avec des boubous éparpillés tout autour d’elles, s'activent minutieusement à nettoyer ces habits sales. Cela, avec de l’eau de javel et du savon. Le tout dans une ambiance joviale, marquée par des discussions et éclats de rires, mêlés aux pleurs des enfants assis à même le sol à quelques mètres de ces lingères, toutes mouillées et faisant tranquillement leur travail, malgré le froid qui les faisait grelotter. «Je suis dans ce métier depuis plus de 20 ans. C'est un métier très difficile qui demande beaucoup d'énergie et il n'est pas trop bénéfique. Mais, puisque j'ai une famille à nourrir, je n'ai pas trop le choix», déclare Astou Diouf, l'une des lavandières qui précise : «J'ai mes propres clients. Il y a des familles qui sont ici et c'est moi qui m'occupe de leur linge sale depuis plus de 10 ans maintenant. Je fais le linge tous les 15 jours et à la fin du mois, elles me paient. Cela me rapporte 7500 francs pour les familles les moins nombreuses qui donnent peu d’habits et 10 000 à 12 000 francs pour les gros tas de linge sale. Je fais le linge pour ces gens deux à trois fois pas moi et c’est moi qui achète l'eau, le savon, le charbon pour repasser les habits, la gomme et tout ce qui va avec. Et si j'enlève toutes ses petites dépenses sur mon salaire, je me retrouve avec pas grand-chose».
Un métier qui ne nourrit pas…sa femme
Toujours dans ses propos, Astou Diouf, la cinquantaine, fait savoir qu’en plus de supporter toutes ces charges, elle est aussi contrainte de payer le loyer. «Parce que je n’ai pas de maison, ni de pied-à-terre à Dakar, j'ai loué une chambre à Fass, que je paie à 40 000 francs le mois. De plus, tous les jours, j'achète à manger, en plus de devoir envoyer chaque fin de mois de l'argent à mes enfants qui sont restés au village. C’est vous dire que ce travail pourtant très dur, car demandant une grosse débauche d’énergie, n'est pas du tout rentable. A vrai dire, je vis au jour le jour. Parfois, mon fils tombe malade et j'ai tous les problèmes du monde pour acheter des médicaments et le soigner. En fait, on travaille seulement pour ne pas rester les bas croisés et pour essayer de nous en sortir en n’empruntant pas un mauvais chemin. On s’en remet à Dieu, parce qu’on est musulman et croyant».
Dans le même registre, Gnilane Faye, sa collègue, martèle : «le travail est très difficile et nous n’y gagnons que la fatigue. On passe notre temps, du matin au soir, à faire le linge et à repasser. Et parfois, il y a des personnes qui ne te payent même pas pour le service que tu accomplis pour elles. Elles te font courir à longueur de journée». Gnilane de confier aussi que, contrairement à Astou qui a un groupe de clients fidèles, elle fait du travail journalier, pour éviter de devoir courir derrières des débiteurs. «Depuis un certain temps, je n'ai pas de clients fixes. La plupart du temps, c’est des gens qui viennent me demander de leur faire le linge et que je ne connais même pas. Ils viennent avec leurs habits et l’on marchande sur le prix. Et puis le soir, après que j’ai passé la journée à laver et repasser leurs habits, ils reviennent les prendre et me payent la somme convenue. Car je ne fait pas de crédit, donc celui qui ne paie pas, je ne lui donne pas ses habits. C'est comme ça que je fonctionne. Et ça marche plutôt bien, même si, financièrement, c’est très difficile de joindre les deux bouts avec ce travail qui ne nourrit presque pas son homme», tonne-t-elle. A la rue 9 de la Médina, on retrouve un décor similaire à celui de la Gueule-Tapée, avec des femmes, de l’ethnie sérère quasi exclusivement, installées sur le bas-côté de la route, entourées de leurs bassines remplies d'eau. Elles se nomment Daba Faye, Astou Dione, Maïmouna Diouf etc. Leur métier, c’est lavandière, et elles s’échinent à la tâche pour laver des tas d’habits éparpillés tout autour d’elles. Et selon Daba et Astou, deux de ces dames assez âgées (elles sont toutes cinquantenaires), c'est comme ça tous les jours depuis plus de 30 ans maintenant. «Nous sommes des lingères et depuis longtemps. Ma fille qui est là, elle s’appelle Maïmouna Diouf. Elle est née ici et elle a maintenant 23 ans», explique Daba Faye, qui dit être Sérère pure souche, originaire de village de Ngoundiane, dans la région de Thiès.Tous les gains engloutis par les charges
Venue à Dakar alors qu’elle était encore une toute jeune fille pour trouver un mieux-être, la dame indique avoir d'abord exercé le métier de domestique, avant de devenir lavandière. Un métier qui la passionne, malgré les difficultés et les contraintes qui en découlent, confesse-t-elle. «Je me plais dans ce que je fais, en dépit des difficultés. Moi, là où je suis, je lave toutes sortes d'habits. Pour les pantalons, c'est par pièce que je fixe le prix. Chaque pantalon, c'est 200 francs et sans discussion. Pour les chemises, je peux marchander, selon la quantité que le client apporte. Pour ce qui est des boubous basin qui demandent beaucoup plus de travail, je taxe 500 francs la pièce. Et si quelqu'un apporte beaucoup d'habits, on marchande. On me paye parfois 5000 francs, voire 10 000 francs pour une grosse commande», explique Daba Faye. Concernant les «intrants» qu’elle utilisent pour laver le linge, Daba Faye explique : «j’achète de l'eau et chaque bassine me revient à 50 francs et pour que les habits soient propres, il m’en faut 5. Soit 250 francs par lot d’habits. J'achète aussi du savon en barre et de la lessive Omo, de la gomme et du charbon pour le repassage». Elle précise également que la nourriture qu’elle achète quotidiennement bouffe toutes ces économies et que, par conséquent, elle se retrouve avec presque rien le soir, à la fin d’un journée de labeur, en dépit du fait qu’elle se donne à fond pour exécuter le maximum de commandes pour s’en sortir. «C’est extrêmement dur comme travail et c’est tout aussi difficile de bien gagner sa vie avec ce métier qui est physiquement très épuisant», dit Daba. Toujours est-il que même si elles ne gagnent pas beaucoup, ces lavandières qui se lèvent tôt le matin pour trimer dur dans le froid, tenaillées par la faim, arrivent tant bien que mal à faire vivre leurs familles qui sont au village et à survire dans la jungle dakaroise grâce à ce métier.Des lavandières souvent accusées de vol par les clients
Peu rentable et très fatigant, le métier de lavandière souffre aussi d’une étiquette. C’est celle de voleuses que nombre de clients collent à ces lavandières, souvent accusées, même si la plupart du temps, c’est à tort. Daba Faye, qui a duré dans ce métier qu’elle pratique depuis plus de 30 ans, explique ainsi que le problème majeur que rencontre les lingères à Dakar, c’est celui de la confiance. «Les gens ne nous font pas beaucoup confiance et souvent, il y a des clients qui apportent des habits à faire laver et qui, une fois qu’ils les ont récupérés, arrivés chez eux, font demi-tour pour réclamer des habits, soi-disant qu’il en manque. Alors que Dieu sait que nous ne les avons pas pris. Parce que vous voyez ces fils à linge, on y pend les habits et l’on reste là à surveiller jusqu'à ce que tout sèche. Et on les repasse. Nous, on ne vole pas, mais parfois on est obligé de payer, même si on est innocent juste pour éviter les problèmes». Pour sa part, Astou Ndione souligne : «parfois, par accident, on peut brûler un habit en repassant. Mais si ce cas de figure se présente, on va le dire au propriétaire. S'il est compréhensif, il nous pardonne. Sinon, on rembourse. Et très souvent on est confronté à cette situation. Et comme on est très pauvre, il y a de ces habits qu’on ne peut pas rembourser vu leur coût élevé. Et là, c’est vraiment difficile parce qu’on s’endette pour payer». Revenant à la charge, Astou avoue qu’elle a été déjà accusée de vol par des clients. «J'étais par exemple confrontée à une situation, il y a de cela quelques années. C’est une jeune dame qui m'avait donné ses habits à laver. J‘avais fait correctement mon travail et je lui ai remis ses habits. Mais, le lendemain, elle est revenue pour me dire qu'il y a un de ses pagnes qui avait disparu. Je lui ai demandé de bien regarder, parce que j'avais tout mis dans le sac. Mais elle m'a assuré qu'elle avait bien regardé et que c'était moi qui avait volé le pagne. Elle a alors commencé à me traiter de tous les noms d'oiseaux. Je lui ai dit que je n’avais jamais volé et que je ne lui avais rien pris. Et là, elle m'a menacée en me disant qu'elle allait m'emmener à la police. Mais moi, j'étais sereine parce que j'avais la conscience tranquille. Finalement, elle est partie et deux jours après, elle est revenue pour s'excuser en disant avoir retrouvé son pagne». Des situations du genre, Astou Ndione, Daba Faye, Gnilane Faye et leurs autres lavandières les vivent tous les jours. N’empêche, elles continuent à exercer leur métier, car bénéficiant de la confiance de nombre de leurs clients. Des clients qui disent ne pas pouvoir se passer de ces lingères qui leur facilitent la vie, à l’image de Mme Guèye qui confie : «Avec mon travail, je n’ai pas le temps de faire le linge pour ma famille. Alors je me rabats sur les lavandières. J’ai une dame sérère qui travaille pour moi depuis 5 ans et je lui paie 8000 francs pour faire le linge trois fois par mois. Mais à ce jour, je n’ai jamais eu de problème avec elle. Elle fait correctement son travail : ni habit brûlé, ni vol».
12 Commentaires
Oups !
En Janvier, 2011 (12:44 PM)Zilo
En Janvier, 2011 (12:45 PM)Deug
En Janvier, 2011 (12:45 PM)Dieu est grand
Thier
En Janvier, 2011 (12:51 PM)Talibe4
En Janvier, 2011 (12:57 PM)Tc
En Janvier, 2011 (13:07 PM)Mami
En Janvier, 2011 (13:12 PM)Ok
En Janvier, 2011 (13:38 PM)Ok
En Janvier, 2011 (13:38 PM)Diobassoise
En Janvier, 2011 (15:03 PM)Lowakhati
En Janvier, 2011 (15:37 PM)Popo
En Janvier, 2011 (08:59 AM)Participer à la Discussion