Loyer à Dakar : Pourquoi ça coûte cher

Les prix des différents biens de consommation courante ont augmenté dans leur totalité ces dernières années. L’immobilier, en dépit du boom qui le caractérise, n’a pas été en reste.

La question que tout le monde se pose à Dakar comme dans les grandes villes, c’est pourquoi les prix des loyers sont hors de portée des locataires Sénégalais ? A cette question, on a rarement des réponses satisfaisantes.

Mais, ce qui est constant, c’est que parmi les causes explicatives de cette flambée des prix des loyers à Dakar, trois facteurs reviennent. Il s’agit de la forte demande qui est largement supérieure à l’offre, de la cherté des coûts de matériaux de construction et la spéculation qu’entretiennent à dessein les courtiers, les agences immobilières et les propriétaires. ‘La hausse des prix des loyers est due à plusieurs facteurs dont la spéculation’, certifie Me Massokhna Kane, président de Sos consommateurs. Il pointe un doigt accusateur sur les agences immobilières, les propriétaires et les courtiers.

Ce que réfutent ces derniers. L’un deux, Moussa Baldé, courtier établi dans le populeux quartier de la Médina, jure, la main sur le cœur, que lui et ses collègues ne sont pas responsables de cette hausse des prix des loyers à Dakar. A son avis, les propriétaires sont les seuls responsables parce que ce sont eux qui fixent les prix que les courtiers appliquent à leur tour. ‘Ni le courtier ni l’agence ne peuvent fixer le prix d’un loyer. C’est le propriétaire qui indique le prix auquel il entend donner en location son bien. Nous ne touchons que notre commission une fois pour toutes’, explique-t-il.

Entre deux conversations avec des demandeurs d’appartements ou de chambres à louer, notre interlocuteur qui évolue dans le milieu depuis une dizaine d’années trouve que si la location immobilière a atteint une hausse extraordinaire à Dakar, c’est parce qu’il y a un grand déséquilibre entre la demande et l’offre. Lequel a été accentué par l’arrivée massive à Dakar de nombreux étrangers venant de divers horizons. Ils sont constitués de travailleurs, mais surtout d‘étudiants qui poursuivent des études supérieures à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et dans les écoles privées de commerce avec des conditions d’étude similaires à ce qu’on peut attendre de l’Europe. ‘Si le loyer est cher à Dakar, c’est à cause des étrangers.

Actuellement, il y a trop d’étrangers à Dakar. Et ce sont eux qui prennent les appartements et les chambres. Ils paient des prix que ne peuvent pas se permettre les Sénégalais. Et cerise sur le gâteau, les étrangers paient souvent deux à trois mois d’avance. C’est pourquoi, ils prennent tous les appartements au détriment des Sénégalais’, constate simplement Moussa Baldé. Il reconnaît également que le coût du mètre carré de terrain nu qui a augmenté à Dakar ainsi que celui de la construction, ont des répercussions directes sur les prix du marché locatif à Dakar. ‘Actuellement, le terrain nu coûte cher, de même que que le ciment. Il n’y a guère longtemps, la tonne de ciment coûtait 45 000 francs, aujourd’hui, elle coûte dans les 80 mille, sans compter la main-d’œuvre. C’est pourquoi, quelqu’un qui construit sa maison dans ces conditions s’il veut l’amortir dans un délai très court ne peut louer qu’à des prix élevés’, admet notre interlocuteur. Ajoutant que ‘d’ailleurs, maintenant, les gens ne construisent plus des chambres comme avant, mais des appartements. Malheureusement, tous n’ont pas les moyens de se payer un appartement’, déplore-t-il.

Un tour dans certains cabinets immobiliers et chez les courtiers renseigne sur les prix pratiqués et qui donnent le tournis aux demandeurs, mais aussi aux gérants. Quel que soit l’endroit où l’on habite dans Dakar, le prix du loyer a pris la pente ascendante. Par exemple, dans la zone de la Médina, le prix d’une chambre simple varie entre 35 et 45 mille francs mensuels, selon la taille. Si elle dispose d’une douche intérieure les prix affichés dans les agences et les tableaux des courtiers situent entre 50 et 60 mille francs le prix de cession.

Trouver un appartement relève du parcours du combattant ! Et lorsqu’on en trouve, il faut débourser entre 150 et 200 mille francs par mois, sans compter la caution de trois à quatre mois à partager entre le propriétaire, le courtier et l’agence. D’ailleurs, il y a des courtiers et des agences qui demandent maintenant jusqu’à quatre mois d’avance. Pour les pères de familles nombreuses, louer une villa à Dakar est devenu impossible. Les prix vont de 300 mille à plus d’un million. ‘Est-ce qu’après avoir payé, on va manger’, se demande non sans humour Moussa Baldé. ‘Nous sommes d’accord que les prix des loyers sont extrêmement chers. Car, nous-mêmes, nous sommes en location’, reconnaît notre interlocuteur.

L’idée d’une baisse de 25 % des prix des loyers à Dakar et dans les grandes villes, agitée par le député du Iba Der Thiam l’enchante. ‘Ce serait une bonne chose. En tout cas, ce n’est pas nous qui perdons. Et cela va soulager tout le monde’, dit-il.

Quant à Me Massokhna Kane de Sos consommateur, il trouve l’idée du Pr Iba Der Thiam ‘généreuse’, mais ‘difficile à réaliser’. ‘On peut faire une loi et pour dire que désormais vous allez louer votre maison à tel prix. Sur quelle légitimité, on va le faire ?’, s’interroge-t-il. De l’avis de l’avocat, ce qu’il faut, c’est une structure chargée d’appliquer la loi sur les prix des loyers et qui existe depuis 1981. ‘Les textes sont bien faits, mais il faut les appliquer’, suggère-t-il.