Me JACQUES BAUDIN, AVOCAT ET MAIRE DE DIOURBEL : « Les viols sont devenus un fonds de commerce au Sénégal »

Les accusations de viol et d’inceste ont pris, au Sénégal, une ampleur sans commune mesure. L’ancien magistrat et avocat sénégalais, Me Jacques Baudin, par ailleurs maire de Diourbel, a sonné l’alerte en soutenant que les viols sont devenus un fonds de commerce, notamment avec le tapage médiatique.

L’avocat et maire de la commune de Diourbel, Me Jacques Baudin, a déclaré, le 19 mai dernier, au cours d’une visite de courtoisie de l’Organisation nationale des droits de l’homme (Ondh) dans sa ville que les viols sont devenus un fonds de commerce au Sénégal, notamment avec le tapage médiatique qui accompagne les accusations de viol ou d’inceste.

« Nous devons faire attention lorsqu’il s’agit d’accusation de viol qui est un phénomène très complexe. En réalité, le viol est considéré comme un acte sexuel complet. Il arrive que des gens aillent vite en besogne à travers les médiats pour créer la confusion totale. C’est regrettable de le dire, mais les viols sont devenus un fonds de commerce au Sénégal », a déploré le premier magistrat de Diourbel.

La visite entre dans le cadre d’une caravane de sensibilisation sur les viols et violences faites aux femmes, initiée par l’Ondh, du 17 au 21 mai dernier, dans les communes de Mboro, Louga, Diourbel et Kaolack.

Pour étayer ses propos, Me Baudin a cité en exemple un procès à Diourbel où un père a été accusé par une enseignante de viol (inceste) sur sa fille de 9 ans. Et c’est la différence constatée dans les certificats médicaux des deux médecins qui a poussé l’avocat à défendre le prévenu. Car, a-t-il argué, « j’étais convaincu que le père n’a rien fait. Il a été accusé à tort par l’enseignante ». Les deux médecins n’ont pas parlé le même langage. L’un soutient que l’hymen est écarté et l’autre argumente que l’hymen est dilaté.

Ainsi, après avoir pris le dossier, l’avocat a demandé le renvoi du procès. Entre temps, Me Baudin a fait venir trois autres médecins dont deux de Dakar et l’un de la France. Tous ont établi qu’il n’y pas de viol. La fille a des inflammations aux lèvres engendrées au cours d’un jeu avec ses camarades de classe.

« Lorsque j’ai pris ce dossier, même ma femme ne comprenais le pourquoi. A Diourbel les gens se demandaient comment leur maire peut défendre un père inceste. C’était absurde pour eux. Et politiquement, c’était dangereux pour moi. Mais, s’il faut choisir entre défendre un père innocent (qui risque d’aller moisir en prison) et ma carrière politique, je suis prêt à sacrifier ma carrière politique. D’autant plus que la femme du gars est convaincue que son mari n’a pas violé sa fille, même s’ils partagent tous la même chambre », a-t-il dit.

Il s’y ajoute que l’enfant ne parvenait pas non plus à faire la différence entre les deux expressions wolofs : « teudeu akk sa bay (coucher avec son père c’est-à-dire entretenir des relations sexuelles » et (teudo akk sa bay) qui signifie partager le même lit que son père ».

Me Baudin se rappelle avoir essuyé des attaques de plusieurs défenseurs des droits de l’homme et des médiats. Toutefois, il n’a jamais lâché du lest. Et la vérité a fini par triompher, le père a été purement et simplement relaxé. A la fin du procès, l’enseignante a failli faire l’objet d’une vindicte populaire. Car, tous ceux qui ont assisté au procès se sont rendus compte que la fillette a été manipulée.

« Je demeure, a-t-il soutenu, convaincu que des pères innocents croupissent en prison, car les avocats ont souvent des difficultés pour défendre ses genres de dossiers. Dès lors, des gens en profitent pour faire du viol un fonds de commerce. Une fille peut se blesser aux parties génitales, mais avec la complicité de personnes malintentionnées, un de ses proches peut se retrouver en prison avec comme argument « elle a été violée ».

En plus, l’avocat s’est demandé comment les médecins parviennent à établir un acte de viol sur une fille violée il y a six mois. Même si elle a continué d’entretenir des relations sexuelles après ce « viol ». Pire, même une déclaration d’amour est devenue un harcèlement. « Alors qu’il ne peut pas y avoir de harcèlement sans attouchement », a-t-il expliqué.

Pour avoir été magistrat pendant 14 ans avant de devenir avocat, Me Baudin a souligné qu’il est temps de revoir la formation des magistrats. Quant aux avocats, ils doivent beaucoup lire, faire des investigations pour mieux défendre certains dossiers complexes comme le viol. Et la législation en vigueur au Sénégal mérite d’être revue.

Démission des parents

Au cours de l’entretien avec les responsables de l’Ondh en présence des journalistes, le maire de Diourbel a dit que la perte des valeurs est à l’origine de plusieurs conflits sociaux, notamment les viols et les violences faites aux femmes. Il s’y ajoute que les valeurs et réalités européennes ne sont pas transposables en Afrique.

A ce propos, il a révélé que les parents ont démissionné dans l’éducation de leurs enfants. « La virginité n’est plus objet de fierté maintenant. Autrefois, des femmes étaient répudiées à cause de ça. Aujourd’hui, ta fille sort seule la nuit et fait ce qu’elle veut au su de ses parents. Il y a, certes, des voyous, mais il y a aussi des mères et pères de famille irresponsables ». Or, l’avocat a affirmé qu’un être humain qui n’a pas de principes est un animal.

Et, a-t-il poursuivi, « on ne peut pas diriger un pays, une mairie, une association, vivre correctement si on n’a pas de principes dans la vie. Aujourd’hui, vous voyez des enfants qui traitent leurs parents de cons. Je souligne qu’il y a des filles, au regard de leur morphologie, qui ne peuvent et ne doivent pas porter de pantalon. C’est de la provocation à tout point de vue, un attenta à la pudeur. A ce niveau, le degré de démission des parents est très profond. Et c’est un problème sérieux ».

L’autre cause des conflits sociaux reste la pauvreté qui engendre dans les zones urbaines la promiscuité. « Une prise d’alcool incontrôlée, il est normal que le père ou l’oncle ne fasse pas la différence entre l’épouse, la sœur, la nièce... », a-t-il confié.

Par ailleurs, à la fin des échanges, un militant de l’Ondh de Diourbel a présenté ses excuses à Me Jacques Baudin pour avoir été parmi ses pourfendeurs lors de ce procès. Faut-il rappeler que ledit procès avait pris en haleine toute la ville de Diourbel.

Pour sa part, le secrétaire général de l’Ondh, Djibril Aziz Badiane, a fait savoir que ce procès est un cas de jurisprudence qui mérite d’être vulgarisé. « Le problème dans ces genres de procès, c’est qu’on oublie souvent la présomption d’innocence au profit de l’accusé », a-t-il évoqué.