Un peu avant midi samedi matin, une pirogue avec 80 émigrés clandestins a échoué sur la plage de Yoff Tonghor. Ils seraient 130 au départ. Une quarantaine sont mort en route et jetés en mer. Seul un cadavre a été acheminé jusqu’à la plage. Corps qui n’a pas encore été identifié et qui se trouve à la morgue de l’hôpital général de Grand Yoff.
« Je ne regrette rien. Je vous jure sur tout ce que j’ai de plus cher, si l’occasion se présente encore, je prendrais une pirogue et tenterais d’aller en Espagne. Personne ne peut m’en empêcher. Je tenterais autant de fois que je le pourrais car ici, il n’y a rien et je ne peux pas regarder comme ça ma famille sans rien tenter. Je le dis et le répète. Et je ne m’en cache pas ». Celui qui tient ces paroles s’appelle Moussa Guéye. Il est originaire de Kébémer et est né en 1964. Un morceau de pain à la main, habillé d’un caftan tout mouillé, la bave aux coins des lèvres, il ne cesse de grelotter. Il est couché à même le sol dans un coin du centre de santé Philippe Maguilène Senghor de Ngor, sous le soleil, pour se réchauffer. Il a froid et parle entre ses dents . Il venait d’échouer sur la plage de Yoff Tonghor, avec ses autres camarades d’infortune. Sur leur pirogue il est écrit en gros caractère : «Khalifa Ababacar Sy ». Si lui a la force de prononcer quelques mots, tel n’est pas le cas pour ses camarades d’infortune. Certains parmi ces derniers, mal-en-point sont internés au centre de santé Philippe Maguilène Senghor alors que les autres se trouvent à l’hôpital général de Grand Yoff où ils ont été acheminés par les sapeurs-pompiers. Des rescapés qui ont frôlé la mort et qui souffrent de malnutrition, déshydratation et de brûlures, note le docteur Mouhamed Ly du centre de santé Philippe Maguilène Senghor. «Nous avions vogué durant 12 jours et étions allés jusqu’à apercevoir les lampes des îles Canaries. Mais nous ne savons pas comment, subitement, nous avons été éblouis. Nous ne savions plus où nous étions. Nous avons vogué au gré du vent. Épuisant totalement notre stock d’eau. Durant cinq jours, nous n’avions plus de quoi boire. Les passagers ont alors commencé à mourir un par un. Des cadavres que nous étions obligés de balancer à la mer », raconte le rescapé Moussa Guèye. Ils n’ont dû leur salut qu’à leur rencontre avec des piroguiers sénégalais qui allaient à la pêche. Ces derniers leur ont donné de l’eau à boire et les ont escortés jusqu’à la plage de Yoff Tonghor, où ils ont échoué samedi un peu avant-midi. Ils étaient 130 au départ dont deux femmes, selon les témoignages. Ils ont embarqué à partir de l’île de Diogué en Casamance. Mais à leur arrivée, ils n’étaient plus que 80. Dont le cadavre d’un des voyageurs qui serait un Gambien. Les documents trouvés sur lui par les sapeurs-pompiers et remis aux gendarmes enquêteurs le laissent supposer. Bien qu’il n’avait aucune pièce d’identification, il avait un agenda dont les numéros portent l’indicatif de la Gambie. Il était également porteur d’une prière pour la traversée et dont les indications étaient écrites en anglais. Ce corps sans vie qui n’a pas encore été identifié a été acheminé à la morgue de l’hôpital général de Grand Yoff (ex-Cto). Les autres occupants de la pirogue qui avaient encore de la vigueur aux pieds ont pris la fuite de peur d’être arrêtés par les forces de l’ordre.
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