Vendredi 26 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

Naufrage du Joola : 'Les familles des victimes européennes renoncent à porter plainte contre l'Etat

Single Post
Naufrage du Joola : 'Les familles des victimes européennes renoncent à porter plainte contre l'Etat

Plus de 13 milliards 230 millions de francs Cfa ont été versés aux familles des victimes et les bénéficiaires sont au nombre de 1 323 victimes. La révélation est du porte-parole de l'Association nationale des familles des victimes et rescapés du bateau le Joola. Selon Boubacar Bâ, parmi les ayants droit ayant accepté d'être indemnisés à hauteur de 10 millions par personne figurent les familles des victimes européennes qui ont renoncé à porter plainte contre l'Etat du Sénégal.

Wal Fadjri : Les familles des victimes européennes avaient menacé de poursuivre l'Etat du Sénégal devant la justice. Quelle suite a été donnée à ce dossier ?

Boubacar Bâ : Je me félicite du sens de responsabilité de cette association qui n'a ménagé aucun effort pour suivre de très près ce dossier. Je profite de l'occasion pour annoncer aux autorités et au président de la République que les familles européennes qui avaient préconisé une plainte contre l'Etat du Sénégal, ont renoncé à cette option. Nous avons négocié avec elles pour les convaincre d'accepter le même montant d'indemnisation que les familles des victimes sénégalaises. C'est une question très délicate et souvent, en matière d'indemnisation, notamment en Europe dans le cas d'espèce, ce sont des millions de dollars américains que les familles réclament. Cela veut dire que notre association a permis, par cette démarche, d'éviter à l'Etat de payer plusieurs milliards de francs Cfa. Il faut quand même reconnaître que ces familles avaient des arguments solides pour attaquer l'Etat et obtenir des taux d'indemnisation très élevés, car basés sur les normes internationales en matière d'indemnisation. Le cas de La libye qui a déboursé un million de dollars par famille dans le cadre de l'indemnisation des victimes dans l'affaire de Lockerby constitue à cet égard un exemple. C'est ce que nous avons voulu éviter à notre pays. D'autant que l'enquête sur le naufrage du Joola avait montré des défaillances à tous les échelons, notamment au niveau de la marine marchande et du chef d'Etat-major général des forces armées. Pire encore, le bateau Le Joola ne disposait même pas de permis de navigation. Les familles des victimes européennes se sont déjà présentées auprès de la commission d'indemnisation pour toucher leur dû à la suite de notre démarche. Ce qui nous a permis de sauver notre République ainsi que l'image de notre pays à l'étranger. Parce qu'on s'était dit en tant qu'association, que nous allions expliquer à ces familles la réalité de notre pays. Et nous félicitons ces familles qui ont fait preuve de compréhension en acceptant ce minimum qui a été défini dans le cadre de cette indemnisation. Et quand je vois ces familles accepter de toucher 10 millions de francs Cfa par victime au même titre que les Sénégalais, je m'en félicite. Je dois rappeler par ailleurs que les familles des victimes hollandaises étaient attendues le 7 mai à Dakar. Je dois, en outre, préciser que le Parlement européen vient d'adresser une invitation à l'Association nationale des familles des victimes et rescapés du Joola pour des entretiens sur la question du renflouement de l'épave du bateau. Et vous me donnez ici l'occasion d'interpeller à nouveau le président de la République à récompenser les membres de l'Association des familles des victimes et rescapés du Joola. Et nous disons au président Abdoulaye Wade que nous avons quelques inquiétudes car, à part lui, personne d'autre ne nous interpelle sur ce sujet. C'est comme si on n'a rien fait dans ce pays. Vous vous rendez compte que malgré tout ce qu'on a fait, nous ne sommes pas équipés en tant qu'association. Nous n'avons pas de siège, ni de véhicules ni de budget et nous n'avons aucune récompense. Le bureau actuel nous a été prêté par une bonne volonté. C'est vraiment trop (...) Dites-moi, depuis que le Sénégal est indépendant, est-ce qu'il y a un dossier où des sommes aussi importantes, à savoir 13 milliards 230 millions de francs Cfa ont été distribuées sans faire l'objet de controverse ni de scandales. C'est du jamais vu.

Wal Fadjri : Dès lors, à quoi va servir le reste du fonds d'indemnisation ?

Boubacar Bâ : Nous voulons être très précis sur cette question de l'indemnisation. Et nous rappelons à ce sujet, notamment à l'endroit du président de la République, que le montant du fonds d'indemnisations allouées aux familles des victimes et rescapés du Joola est de 20 milliards de francs Cfa. Cela veut dire qu'il reste à peu près 7 milliards de francs Cfa dans les caisses qui n'ont pas encore été utilisés. Cet argent appartient aux familles des victimes. Je veux que cela soit très clair parce que d'aucuns soutiennent que s'il y a un reliquat, c'est l'Etat qui s'en approprie. Or, c'est faux. Je dois préciser que lorsque le président de la République nous a reçus au Palais au lendemain du naufrage du bateau le Joola, il nous avait demandé personnellement combien nous voulions et nous l'avions répondu qu'on le laissait fixer le montant en fonction de ses moyens, des réalités de notre pays et des intérêts des victimes. Et il nous a alors proposé ces 20 milliards que nous avons acceptés. Je ne sais pas si d'autres familles vont se présenter devant la commission pour percevoir leur indemnisation parce que d'aucuns ne veulent pas de cet argent. Mais, en tout état de cause, ce reliquat appartient aux familles des victimes et nous verrons au moment venu ce qu'il y a lieu d'en faire. A ce propos, nous avons fait un mémo à l'intention du président de la République par rapport à la fondation et à d'autres actions que nous pourrons entreprendre pour pérenniser le soutien aux familles des victimes. Et nous sommes vraiment très jaloux de ce que nous avons récolté.

Wal Fadjri : D'aucuns disent que votre association est en léthargie depuis la célébration du troisième anniversaire du naufrage du bateau au mois de septembre dernier. Qu'en est-il exactement ?

Boubacar Bâ : Nous comptons beaucoup sur l'appui de l'Etat pour pouvoir venir en aide aux familles. Mais, l'association se sent aujourd'hui abandonnée à elle-même dans la mesure où sur toutes les questions que nous avions évoquées, notamment celle portant sur la prise en charge des orphelins du Joola, rien n'a bougé depuis la célébration de ce troisième anniversaire. Aujourd'hui, la plupart de ces enfants ont atteint l'âge de la majorité. Nous avons fait un état des lieux pour connaître leur situation et le constat est vraiment catastrophique. Or, en tant que Sénégalais, on ne devrait pas laisser ces enfants qui n'ont rien fait pour mériter cette situation vivre, dans ces conditions exécrables. Certes, nous reconnaissons que des efforts ont été faits par l'Etat en faveur des familles des victimes et rescapés du Joola avec un bilan que je dirai satisfaisant jusqu'à ce 3e anniversaire. On s'est félicité de la présence du président de la République qui avait personnellement fait le déplacement à Ziguinchor pour présider la cérémonie officielle. Ce qui nous avait permis de dire ce qui avait été fait, ce qui reste à faire et l'attente des familles. Je citerai, entre autre, la mise en place de l'Office national des pupilles de la nation, l'instance qui doit prendre en charge les orphelins. Le président de la République avait aussi clairement affiché sa volonté d'accompagner l'association pour le renflouement du bateau, notamment par une contribution financière. Malheureusement, à part la question récurrente de l'indemnisation des familles des victimes et rescapés de la tragédie, rien n'a été fait.

Wal Fadjri : Quel est le taux d'indemnisation aujourd'hui ?

Boubacar Bâ : Le processus d'indemnisation a connu une avancée très significative. Nous avons fait le décompte sur les familles qui ont été indemnisées. Et au moment où je vous parle, nous avons atteint un taux d'indemnisation de plus de 70 %. Et nous faisons un suivi régulier très pointilleux de la situation. Au moment où je vous parle, plus de 13 milliards 230 millions de francs Cfa ont déjà été versés aux familles des victimes et 1 323 victimes ont été déjà indemnisées à hauteur de 10 millions par personne. Il reste à présent une cinquantaine de chèques disponibles et dont les bénéficiaires sont attendus au niveau de la Commission d'indemnisation, notamment auprès de l'agent judiciaire de l'Etat, pour percevoir leur argent. Parallèlement, nous avons fait valider une liste de 25 autres dossiers de victimes au niveau du ministère de l'Intérieur qui feront aussi l'objet de paiement à Dakar et à Ziguinchor d'ici une semaine.

Wal Fadjri : Dans quelles conditions vivent aujourd'hui les orphelins des victimes du Joola ?

Boubacar Bâ : Ces enfants vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Ils ont perdu leurs parents et sont abandonnés à eux-mêmes. Nous avons fait des investigations un peu partout pour connaître leur situation. Et nous avons constaté que les familles d'accueil se sont très bien s'occupées d'eux grâce notamment aux indemnisations que ces enfants ont pu bénéficier en tant qu'ayants droit. Mais, ça c'est pour un soutien vraiment temporaire. Aujourd'hui, la plupart de ces familles nous interpellent sur la situation de ces enfants puisqu'entretenir un enfant n'est pas chose aisée surtout en ce qui concerne son alimentation correcte, le suivi de sa scolarité et de sa santé. Cela demande beaucoup de moyens. En fait, le processus d'indemnisation permet d'attaquer les problèmes urgents mais la question centrale du naufrage du Joola demeure, pour nous, la prise en charge de ces orphelins. Je dois préciser à ce sujet que la Casamance a perdu 400 étudiants et élèves lors de cette tragédie. Ces enfants orphelins sont donc l'espoir de la nation. Et de ce point de vue, nous estimons que la nation toute entière est interpellée sur le cas de ces enfants. On n'a pas le droit de les abandonner. C'est une question d'éthique.

Wal Fadjri : Quelles démarches avez-vous entreprises auprès de l'Etat pour lui rappeler ses responsabilités vis-à-vis de ces enfants ?

Boubacar Bâ : En tant qu'association responsable, nous avons une démarche apaisée. C'est pourquoi nous avons interpellé la semaine dernière le président de la République par téléphone pour que le cas de ces enfants trouve une solution. J'avoue qu'à chaque fois que nous l'interpellons, il intervient. Nous n'avons pas envie de le déranger souvent pour lui parler de nos problèmes, mais puisque personne n'a réagi pour nous aider, nous sommes obligés de nous adresser directement à lui. Le président de la République nous a dit qu'il va convoquer bientôt un Conseil interministériel en rapport avec son Premier ministre pour voir ce qu'il y a lieu de faire à ce niveau. Je profite d'ailleurs de cet entretien pour lui dire que les recommandations et les instructions qu'il avait données l'année dernière, notamment lors de la célébration du 3e anniversaire du naufrage du Joola, n'ont pas été respectées. Je suis vraiment désolé de le dire. Nous sommes d'autant inquiets que le département de la Solidarité qui devait s'occuper de la prise en charge des orphelins du Joola, avec notamment la mise en place de l'Office national n'existe plus. Depuis lors, nous ne savons pas à quel ministère ce dossier a été confié. Je demande aux différents départements ministériels de s'occuper de ce dossier parce que nous n'allons pas nous laisser faire. Nous allons vers des échéances électorales et sommes conscients de notre rôle en tant que citoyens qui ont leur mot à dire dans la République.

Wal Fadjri : Des partenaires espagnols avaient décidé de venir en aide aux familles des victimes du Joola en autorisant 5 000 personnes à aller travailler dans ce pays pour une période de quelques mois. Combien de travailleurs avez-vous jusque-là envoyé dans ce pays ?

Boubacar Bâ : Il y a eu des couacs dans cette affaire, notamment avec le premier contingent de femmes envoyées en Espagne à titre de test. Ainsi, sur les quinze qu'on avait envoyées, quatre d'entre elles ont refusé de rentrer au Sénégal au terme de leur contrat. Et cela nous a causé d'énormes préjudices auprès de la centrale syndicale espagnole et de l'Etat sénégalais parce que le président Abdoulaye Wade s'était personnellement impliqué dans ce dossier en nous facilitant notamment l'obtention des papiers administratifs au niveau de l'ambassade d'Espagne à Dakar. Ces femmes nous ont causé beaucoup de problèmes. D'autant plus que ces compatriotes qui étaient toutes des veuves, avaient un traitement spécial pour leur rémunération. Elles étaient pointées à 15,5 euros l'heure et bénéficiaient d'excellentes conditions d'hébergement alors que même aux Etats-Unis, les travailleurs de la même catégorie sont payés seulement à 11 euros l'heure. Malgré tout, nous n'avons pas baissé les bras. Nous avons continué les discussions avec notre partenaire espagnol qui a bien compris le sens de notre démarche. Et aujourd'hui il est question d'emmener 200 personnes en Espagne, mais dans des conditions très draconiennes. Parce qu'aussi bien en amont qu'en aval, des mesures seront prises pour éviter que pareille situation ne se répète. C'est une expérience que les Espagnols ont voulu initier avec le Sénégal à travers les familles des victimes du Joola et qui devait s'étendre aux autres couches de la population à la recherche du travail. Parce que l'Espagne est l'un des pays européens pourvoyeurs d'emplois pour les ressortissants des pays du Tiers-monde. Les Espagnols ont, en fait, besoin de la main d'œuvre sénégalaise au-delà même des familles des victimes.

Wal Fadjri : Est-ce à dire que seuls les membres de l'Association nationale des familles des victimes du Joola peuvent aujourd'hui bénéficier de ce partenariat ?

Boubacar Bâ : Non, pas du tout. Par exemple, dans les domaines du bâtiment, de la maçonnerie et de l'agriculture, il y a une forte demande de main-d'œuvre et le Sénégal a une expertise avérée dans ces secteurs. Mais nous allons être très rigoureux dans la sélection. Ainsi, le candidat devra nous prouver qu'il a déjà exercé le métier ici, au Sénégal. Et ce n'est pas nous qui ferons la sélection, mais des spécialistes dans les différents corps de métiers en rapport avec des syndicats. Les candidats devront en plus suivre des stages de formation sur place avant de quitter le Sénégal. Cela veut dire donc qu'au-delà des familles de victimes, d'autres Sénégalais pourront aussi bénéficier de cette coopération. La durée de séjour pour la phase test était de neuf mois, mais il est question maintenant de douze à seize mois.

Wal Fadjri : L'arrivée annoncée de deux aéroglisseurs pour assurer la desserte maritime Dakar-Ziguinchor a suscité une certaine polémique au Sénégal. On parle aussi de la construction d'un baliseur par l'Etat. Quels commentaires faites-vous en tant que porte-parole de l'association nationale des familles des victimes du Joola?

Boubacar Bâ : C'est bien qu'il y ait des bonnes volontés qui se manifestent pour aider au désenclavement de la Casamance. Nous ne connaissons pas encore les tenants et les aboutissants de ce projet. Nous demandons cependant aux promoteurs de ces bateaux de respecter les normes internationales de navigation. En tout état de cause, nous serons là pour jouer notre rôle de sentinelle. Ce qui est sûr, c'est que nous n'accepterons aucun avion, aucun bateau qui fait la navette entre Ziguinchor et Dakar s'il ne se conforme pas à ces normes. La Casamance a payé un lourd tribut au naufrage du Joola et des familles entières ont été décimées à la suite de cette tragédie. Et pour éviter que pareille situation ne se répète, nous serons très regardant sur tout ce qui touche la liaison maritime entre Dakar et Ziguinchor. Je profite de l'occasion pour interpeller l'Etat sur l'affaire de ce baliseur dont vous avez fait allusion. Nous avons déjà interpellé le ministère de l'Economie maritime sur la question, mais on n'a pas encore eu de réponse. J'ai été récemment à Boulogne-sur-Mer pour voir ce qu'il en est réellement. Je ne dis pas que le dossier est mal parti, mais nous avons des réserves quant à la construction de ce nouveau baliseur qui fait déjà l'objet de controverse. D'après les renseignements que nous disposons, ce baliseur est en cours de construction. Mais il semble qu'il ne répond à aucune norme de sécurité. Et nous interpellons le chef de l'Etat sur cette question.

 

 



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email