Les séries de délestage qui s’érigent en règle ont commencé à paralyser des secteurs-clés de l’économie du pays, en commençant à la base. Stations-services, pâtisseries, glaciers, groupes de presse, salons de coiffure… C’est la paralysie totale.
Le cadre enchanteur du snack Lgm (Les glaciers modernes) au Point E, dissimule à peine les affres d’une série de coupures intempestives d’électricité. Dans le salon feutré, quelques clients disséminés devisent dans une ambiance détendue. Derrière ce climat de jovialité et de détente, une chose semble clocher : la climatisation fait défaut. Reflexion faite, les effets de la chaleur ambiante se font visibles. Les clients se passent la boîte à mouchoir sous le regard navré de Mambaye, le gérant de la place. «La climatisation ne fonctionne pas à cause des coupures d’électricité. Le groupe électrogène ne peut supporter qu’on la mette en marche. C’est un préjudice énorme !», tonne-t-il d’emblée. Le ton est ainsi donné par le bonhomme. Il nous invite ainsi à un tour des lieux.
Dans plusieurs bacs à glaces rangés le long d’une vitrine illuminée de néons à lumière vive, les glaces fondent et se recongèlent au rythme des délestages. Acrobaties qui ne sont pas sans faire des dégâts sur la qualité du service : Au goûter, la glace à base de vanille laisse percevoir une ambivalence de saveurs peu ordinaire, un délice au goût très étrange. «Goûtez voir ! Cette glace ne vaut plus rien en comparaison de celle que nous venons de faire. C’est parce qu’elle a fondu. C’est ça le résultat ! Nous ne pouvons vendre cela, par respect pour nos clients. Je l’offre à mes employés», se résigne Mambaye. Près de lui, une machine à café a cessé de répondre aux sollicitations d’une multitude de préposés résignés. Le pire de cette affreuse situation est ailleurs : Le stock de sorbet a subi une décomposition en même temps qu’une batterie de décompresseurs utiles à la conservation de ce produit de base destiné à la production de délices. Les pertes sont énormes, de l’avis du gérant, et il a soumis la facture à la Senelec, désignée comme responsable de ce désastre. Mais le responsable du snack pose une chape de silence sur le montant des pertes de sa maison, dues à cette situation. Cette entreprise est d’ailleurs loin d’être la seule à vivre pareil drame.
A la superette On the Run de la station-service du quartier Amitié, c’est la catastrophe. Le groupe électrogène installé pour parer aux caprices de l’électricité couvre mal les besoins en énergie. Les produits du supermarché font les frais d’une série de délestages. Là aussi, les pertes sont inestimables. Le gérant de la boîte ne met point de gants pour extérioriser une colère aiguisée par de nombreuses pertes en marchandises. Une visite guidée entre les rayons montre une longue série de dommages. La plus sérieuse ? «La caisse ne fonctionne pas», fulmine Ndiaye Hann, le gérant. Ce défaut est causé par la défaillance du système électrique, «bousillé» après une coupure de 12 heures d’affilées, la veille. Ce qui a eu pour conséquence la lenteur du service proposé aux clients. Ces derniers boudent les lieux au bout de longs instants d’attente. Et ce n’est pas le seul préjudice, car au fond de la boutique, des réfrigérateurs a cessé de fonctionner. Et par ricochet, un important stock de glaciers et de boissons en a pris un sacré coup de chaleur. La machine à service à domicile a cessé de faire ses hot dogs. Au-dehors, la station de service Mobil n’échappe pas aux affres du manque permanent d’électricité. Les pompes électroniques se voient parfois stoppés en même temps que le générateur électrique après plusieurs heures de fonctionnement. «Nous nous voyons obligés d’aller nous ravitailler en carburant vers d’autres sites. C’est vraiment dur comme situation. Il faut que ça cesse !», s’énerve Hann.
Les tenants de salons de coiffure ne sont nullement épargnés par ce brouillard… électrique. Si les deux hommes cités plus haut ont en commun d’avoir au moins un groupe électrogène, Mamadou Diallo, lui, n’en dispose point à son petit atelier basé au quartier des Hlm. Dans sa petite baraque aménagée au moyen d’un assemblage de bois en venn, le Sénégalo-guinéen passe de durs moments de pénitence, guettant au passage l’arrivée peu probable d’une électricité absente depuis quatre tours d’horloge. «C’est comme cela que ça se passe en cas de coupure d’électricité. Je me vois condamné à refuser des clients et à attendre… je n’ai pas de générateur électrique, je suis donc obligé de subir. C’est vraiment dur comme situation, il faut que la Senelec fasse des efforts», confesse le gars. Avec un chiffre d’affaires à la limite du strict minimum, Diallo voit ses activités bloquées à l’image des autres secteurs d’activités. Il ne manque pas d’indexer les autorités du pays et de leur lancer un appel. Un cri de détresse : «Je préfère me passer d’eau plutôt que d’électricité. C’est avec l’énergie électrique que je me procure mon gagne-pain. Mes tondeuses ne fonctionnent pas à l’eau. L’Etat a intérêt à faire des efforts, des milliers de jeunes sont dans ma situation.»
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