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Professeur Saliou Diop (Directeur du centre national de transfusion sanguine) : ‘ Les élèves et étudiants sont les principaux donneurs de sang au Sénégal’

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Professeur Saliou Diop (Directeur du centre national de transfusion sanguine) : ‘ Les élèves et étudiants sont les principaux donneurs de sang au Sénégal’
Le Sénégal a un déficit de 168 000 donneurs de sang par rapport aux normes fixées par l’Organisation mondiale de la santé (Oms) en matière de don de sang. Il existe actuellement 52 mille donneurs, dont en majorité des élèves et étudiants, alors qu’il en faudrait 220 mille pour atteindre ces objectifs. Ce déficit s’explique, selon le directeur du Centre national de transfusion sanguine (Cnts), le Professeur Saliou Diop, par le manque de culture du don du sang, par les problèmes d’inaccessibilité et la peur de savoir qu’on est porteur d’autres maladies.

Wal Fadjri : L’Oms fixe à 2 % de la population, le nombre de donneurs de sang par pays. Quelle est la situation au Sénégal ? Pourquoi y a-t-il encore un déficit en matière de don de sang ?

Professeur Saliou Diop : C’est très difficile de mesurer le déficit en matière de don de sang. On peut seulement mesurer les écarts par rapport à l’idéal. Pour atteindre cet idéal, 2 % de la population doit correspondre aux donneurs de sang, selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Ce qui veut dire qu’au Sénégal, avec onze millions d’habitants, nous devrions avoir 220 000 donneurs de sang. Or, aujourd’hui, nous avons seulement 52 000 dons de sang sur l’ensemble du territoire national. Ce qui veut dire qu’il y a effectivement un grand déficit de don de sang. Et qu’il nous faut encore trois fois plus de sang pour atteindre les normes fixées par l’Oms. Ce déficit est aussi inégalement réparti selon les régions. Et pourtant, le Sénégal a le potentiel qu’il faut pour atteindre ces objectifs. Il y a beaucoup de jeunes, des gens bien portants qui, avec seulement deux dons par an, auraient permis de combler ce déficit.

Wal Fadjri : Quelle est la mission dévolue au Centre national de transfusion sanguine que vous dirigez ?

Professeur Saliou Diop : Le Centre national de transfusion sanguine a pour mission de collecter le sang à partir des donneurs, de le traiter pour s’assurer qu’il est indemne de toute infection, de préciser les différents types de groupes sanguins et de distribuer ce sang au niveau des structures hospitalières. Nous distribuons le sang principalement dans les hôpitaux, les centres de santé et les structures sanitaires privées de la région de Dakar. Il arrive parfois que nous distribuons du plasma dans certaines structures hospitalières situées dans les régions, notamment à Thiès, Touba, etc. Mais, nos activités sont principalement concentrées dans la région de Dakar, car il y a dans chaque région, au niveau de l’hôpital régional, une structure de transfusion sanguine qui assure les mêmes missions que le Centre national de transfusion sanguine. Il y a même des régions qui ont plusieurs banques de sang. C’est le cas notamment de la région de Thiès où nous avons trois structures, dont l’une est située à l’hôpital régional et l’autre à Mbour. Il y a aussi une petite unité de transfusion au niveau de l’hôpital Saint Jean de Dieu. Si nous prenons l’ancienne région du Fleuve, c’est pratiquement la même chose. Il y a une banque de sang à Saint-Louis, Ndioum et Ourossogui. Voilà donc globalement à quoi consistent nos missions.

Le Centre national de transfusion sanguine est une structure qui existe depuis les années 50. Il s’appelait, à l’époque, Centre fédéral de transfusion sanguine, dont la mission était d’assurer la distribution du sang dans toute l’Afrique de l’Ouest. C’est à partir des indépendances qu’il est devenu centre national avec des activités limitées seulement au Sénégal. Le centre est aujourd’hui un établissement public de santé qui a une autonomie de gestion depuis 2002.

Wal Fadjri : Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?

Professeur Saliou Diop : Quand on est une structure de transfusion sanguine, il y a forcément des difficultés. Et c’est la même chose partout dans le monde. La première difficulté, c’est de pouvoir disposer suffisamment de donneurs de sang parce que les activités transfusionnelles dans les hôpitaux ne cessent de croître. C’est tout à fait normal, dans un pays qui se dote, de plus en plus, d’outils de soins médicaux, qu’on rencontre des difficultés à cause de l’accroissement de la demande en matière de transfusion sanguine. Il y a des maladies modernes comme le cancer et les accidentés de la circulation, mais aussi certains soins médicaux trop spécialisés comme la chirurgie cardio-vasculaire qui demandent souvent une transfusion sanguine. Si on prend l’exemple de la chirurgie cardio-vasculaire qui est installée dans notre pays depuis quelques années, ce sont des soins chirurgicaux qui ne peuvent pas se faire sans transfusion sanguine. C’est pour vous dire que certes, la population augmente, mais les types de soins se diversifient aussi. C’est pourquoi il y a, de plus en plus, un besoin en sang au niveau des hôpitaux et autres structures sanitaires.

Or, il n’y a pas de moyen artificiel de fabrication de sang qui est forcément d’origine humaine. Il faut obligatoirement qu’il y ait un individu qui se sent en très bonne santé et qui consent à faire l’acte de don du sang. Ce n’est qu’à partir de ce moment, que ce sang pourra être utilisé par un autre homme. C’est là toute la difficulté parce qu’on fait appel à la générosité des individus. Or, nous sommes dans une société où l’individualisme prend malheureusement de plus en plus le dessus sur la solidarité. Les gens réfléchissent d’abord sur ce qu’ils gagnent eux-mêmes, avant de penser à autrui. Il y a également les contraintes économiques qui font que les gens n’ont pas toujours le temps de s’arrêter pour consacrer une demi-matinée à donner leur sang. Il y a enfin d’autres contraintes d’ordre psychologique et social qu’on ne pourrait aussi ignorer : le don du sang n’est pas dans notre culture. Et d’ailleurs, ça se voit dans les régions de l’intérieur. Plus on s’éloigne des grands centres urbains, plus on a des difficultés à faire passer le message du don de sang.

Il y a également des difficultés qui sont inhérentes à notre mode d’organisation. Il est très difficile pour quelqu’un qui habite par exemple Guédiawaye ou Rufisque, de venir au Centre national de transfusion sanguine pour effectuer un don de sang. Parce qu’il sera obligé de payer son transport aller et retour (alors qu’il n’est pas rémunéré pour cela : Ndlr). Ce sont toutes ces difficultés qui font qu’on a encore du mal à mobiliser tout le monde sur la cause du don de sang. Mais, il y a quand même un léger mieux depuis quelques années.

Wal Fadjri : Quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour contourner ces difficultés ?

Professeur Saliou Diop : En 2000, nous avions 10 240 dons par an contre 21 889 l’année dernière. C’est dire que nous avons doublé le nombre de donneurs de sang en l’espace de huit ans. Pour cette année, nous avons enregistré encore une évolution de 9 % par rapport au mois d’octobre de l’année dernière. Cela veut dire qu’il y a une augmentation progressive du nombre de donneurs de sang dans notre pays. Certes, c’est encore très insuffisant par rapport à nos objectifs. Cette évolution est principalement due à la campagne de sensibilisation tous azimuts que nous avons menée, au cours de ces dernières années, sur le don de sang. Je crois que nous avons été entendus par nos compatriotes et que les stratégies que nous avons mises en place, ont aussi été payantes.

Nous nous sommes organisés pour avoir des équipes mobiles de collecte. Nous envoyons tous les jours une ou deux équipes dans les différents quartiers, en collaboration avec les associations (de jeunes et de femmes : Ndlr) ou au niveau des entreprises pour procéder au prélèvement du sang sur place. L’idéal serait évidemment d’avoir des sites fixes dans tous les quartiers de Dakar pour démocratiser le don de sang, mais aussi, de rendre accessible le fait de pouvoir bénéficier d’un don de sang. Nous réfléchissons en ce moment sur le moyen d’y parvenir dans un bref délai. Nous voulons, à ce propos, nous approcher, à la fois, des donneurs de sang mais aussi des malades. Nous sommes en train d’ouvrir des antennes au niveau des hôpitaux pour permettre aux médecins de disposer du sang sur place au lieu d’être obligés de se déplacer, à chaque fois, jusqu’au centre pour récupérer le sang.

Wal Fadjri : Y a-t-il encore des personnes qui meurent au Sénégal par manque de sang ?

Professeur Saliou Diop : Dans tous les pays du monde, il peut y avoir des personnes qui meurent par manque de sang. Cela s’explique, le plus souvent, par le fait que ces personnes ont un groupe sanguin très rare, comme par exemple les groupes O-, A- et B-. Si vous avez un groupe sanguin très rare, c’est possible que ce genre de situation se produise. Mais, c’est la même chose partout dans le monde. Il ne faut pas croire que c’est seulement au Sénégal que cela se passe.

Pour ce qui nous concerne, il y a du sang tous les jours. C’est la quantité qui n’est peut-être pas importante. Nous avons quand même une grande capacité de pouvoir nous organiser rapidement, pour en disposer. Nous avons actuellement, par exemple, pour les groupes rares, une liste de groupes de personnes que nous contactons dans l’urgence, pour parer au plus pressé. Mais, il est un peu stressant de devoir parfois travailler dans l’urgence. Et c’est surtout cela qu’il faut éviter dans le domaine du sang. C’est pourquoi, à chaque fois que nous avons un donneur de sang de ces groupes-là, pour nous, c’est une pierre précieuse. Nous prenons tous ses contacts et lui demandons d’être très indulgent parce qu’on peut l’appeler à tout moment pour donner son sang afin de sauver d’autres vies. Si nous autorisons quelqu’un à faire un don de sang, c’est parce que ça ne présente aucun inconvénient, sur le plan médical, pour le donneur. Les jeunes, notamment les élèves et étudiants, sont, aujourd’hui, les principaux donneurs de sang dans notre pays.

Wal Fadjri : Que répondez-vous à ceux qui soutiennent qu’il y a des risques de contamination du Vih/Sida lors des transfusions sanguines ?

Professeur Saliou Diop : C’est absolument faux. Le don de sang est aujourd’hui un acte qui est sécurisé à 100 %. En outre, quand on effectue un don de sang, on n’est pas du tout en contact avec un autre sang. Le donneur passe d’abord par une sélection médicale très rigoureuse. Le médecin pose toute une série de questions pour connaître les différentes maladies que le donneur a eues et les types de médicaments qu’il prend éventuellement. Il l’examine aussi pour voir s’il n’y a aucun problème qui puisse entraver le don du sang. Le prélèvement du sang s’effectue également à l’aide d’un matériel tout neuf. Cela veut dire que le don de sang ne présente aucun risque pour le donneur.

Il peut arriver que le donneur de sang ait déjà eu une maladie. C’est à ce niveau que se situe le vrai problème, parce que certains ont peur d’apprendre qu’ils ont telle ou telle maladie. Mais nous sommes obligés de leur dire qu’ils ont telle maladie, si les tests le prouvent, pour leur permettre d’avoir accès au traitement. Dans tous les cas, le donneur y gagne toujours.

Le don du sang permet aussi de connaître son groupe sanguin et de dépister certaines infections qui peuvent être dans le sang, sans que le donneur ne le sache. C’est le cas notamment des virus des Hépatites, principalement l’Hépatite B et l’Hépatite C. Il y a aussi le Vih/Sida, la syphilis et les infections, entre autres. Mais, nous avons beaucoup de problèmes à lutter contre cette peur de savoir. Il ne faut pas que les gens pensent que c’est en ignorant leur maladie qu’ils pourront guérir. Non !



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