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PROFESSION MENDIANT : Trucs et astuces pour attendrir les âmes sensibles

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PROFESSION MENDIANT : Trucs et astuces pour attendrir les âmes sensibles

« Sarakh Nguir Yalla » (de l’aumône, au nom de Dieu !), « aidez-moi à acheter des habits ou de la nourriture pour mes enfants ». On ne cesse d’entendre ces sollicitations à chaque coin de rue, à chaque sortie de magasin, de mosquée, de gare, etc. S’il y a un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans les rues de Dakar, c’est bien celui de la mendicité. Il existe, dans ce pays, une mendicité professionnelle qui vise à s’enrichir sans aucun effort. Pour y arriver, des mendiants ont recours à toute leur intelligence et malice pour attendrir les âmes sensibles.

Plus possible de faire cent mètres dans la capitale sénégalaise sans être interpellé, abordé, toisé ou agressé par une foule de mendiants : handicapés motorisés, claudicants, aveugles, lépreux et, chose étonnante, des personnes aussi bien portantes que vous et moi. En effet, il existe une mendicité professionnelle qui vise à générer des ressources financières sans, quasiment, aucun effort. Des mendiants, adeptes du gain facile, ont recours à toute leur intelligence ou malice afin de passer pour des « handicapés ». Ils utilisent, aussi, un langage persuasif qu’on ne peut apprendre dans aucune école. Ils vous abordent subitement pendant que vous vaquez tranquillement à vos occupations avec des formules bien alarmantes du genre : « mon enfant est malade ; donne-moi de quoi compléter mon prix de mon transport ou acheter de la nourriture. Je vous jure, mon frère, à l’heure où je vous parle, je n’ai pas 100 francs en poche, etc. ». Après lui avoir offert ce que vous avez, ne soyez guère surpris de l’apercevoir, peu de temps après, tenir le même langage à un autre.

Ces quémandeurs se trouvent généralement à côté des mosquées, devant les centres commerciaux, les gares, les stations de bus, les guichets automatiques, dans les bus, à côté des feux rouges ou autres. Ils harcèlent sans hésitation les citoyens. Ces professionnels de la manche savent attendrir les cœurs charitables.

Pour faire le maximum de recettes, ils modernisent leurs méthodes. Les mendiants utilisent, à chaque fois, de nouvelles techniques. Pour avoir une idée plus précise de ces méthodes, nous avons suivi un mendiant. Notre journée commence à 9 heures du matin avec ce mendiant qu’on va appeler Alpha. Alpha mendie exclusivement dans les bus. Durant son trajet long de trois arrêts sur la « ligne 16 », il récite, avec une voix balbutiante, quelques versets coraniques, implore la compassion des passagers et fixe, avec ses petits yeux, quelques vieilles bonnes femmes. Sa méthode porte vite ses fruits. Avant même de finir de psalmodier ses versets, les pièces de monnaie tombent dans sa petite main tendue. Vêtu d’une chemise beige au col usé et d’un vieux pantalon gris, Alpha ne perd pas de temps. Une fois les pièces en poche, il prend un deuxième bus à côté de l’avenue Lamine Guèye. Cette fois son choix tombe sur la ligne numéro 6.

Apparemment, c’est la gentillesse du chauffeur et le nombre de passagers qui déterminent le choix du bus à prendre. Alpha a un vrai talent. Face à l’indifférence des passagers, il sort le grand jeu. Il commence alors à pleurer, tout en récitant la sourate « Al-Fatiha ». Ses larmes sécheront aussitôt les cinq premières pièces reçues. En tout cas, il ne renonce devant rien. Durant deux heures, il alterne armes et discours touchants. S’il prend plus de temps que les autres mendiants pour réciter les versets du Coran, c’est pour réussir son coup. Entre 9 et 12 heures, il a fait environ quatre bus. Il change toujours de véhicule après deux arrêts. Un nombre qui lui permet de gagner une somme d’argent assez importante. Où va cet argent ? Alpha en donne-t-il réellement à sa famille ou l’utilise-t-il pour d’autres fins ? Il ne pourra nous donner aucune réponse avant de se perdre dans une des ruelles aux abords de l’avenue Lamine Guèye. Autre coin, autre tactique. En effet, il nous est aussi arrivé de rencontrer une « drianké » (grande dame) bien bâtie. Devant elle, deux nourrissons d’à peine cinq mois, recouverts d’un sale morceau d’étoffe, sont couchés à même le sol. Elle tendait la main à la quête d’aumône. Les gestes et les mots prononcés servaient à attendrir les âmes sensibles. Tous les moyens sont bons pour se faire de l’argent dans ce pays.

La mendicité, une activité génératrice de revenus

Aux environs de la Gare ferroviaire de Dakar, nous croisons un ressortissant ouest-africain du nom d’Adama, 69 ans. Il a quitté son pays natal pour s’installer à Dakar. Il nous fait cette confidence : « Je gagne en moyenne 2.000 FCfa par jour. Ce qui est impossible chez moi. Avec cette somme, je fais des économies pour soutenir ma famille restée au pays ». Ibrahima Diarra, 55 ans, un autre oues-africain, raconte, lui, ses aventures dans « le métier ». « Je vis au Sénégal depuis 15 ans. Je me sens bien ici, ma famille viens tous les deux ans me rendre visite. Je gagne bien ma vie en mendiant », confie-t-il.

A la Cité des Eaux, près du rond-point Castors, de nombreux mendiants investissent les rues dès les premières heures de la journée jusque tard le soir. Ces mendiants composés pour l’essentiel de vieillards, d’hommes encore solides, de femmes et d’enfants, viennent d’horizons divers. Ils sont parvenus à sceller des liens de parenté en partageant des conditions de vie difficiles.

A notre approche, ils affichent une certaine méfiance, mais consentent finalement à nous parler. « Nous sommes rejetés pour la plupart par nos familles. Nos enfants ne veulent plus de nous du fait de notre infirmité ; c’est pour cette raison que nous avons décidé de nous exiler à Dakar », lance Morlaye, un handicapé moteur originaire d’un pays limitrophe. « C’est le pays de la « Téranga » (hospitalité) ! », rétorque, avec un sourire coquin, un autre pour entrer dans la conversation. « Bien que les conditions de vie soient précaires, nous rendons grâce à Dieu, car il nous arrive de bien gagner notre vie avec des recettes de 2.000 à 2.500 FCfa », dit-il, avant de poursuivre : « En plus, nous avons pu surmonter le rejet dont nous avons été victimes de la part de nos parents car nous formons désormais une famille solide ».

Mbaye D., la soixantaine, a quitté son Koungheul depuis cinq ans. Là-bas, il a laissé deux femmes : « Je remercie Dieu. A chaque fin du mois, j’envoie beaucoup d’argent à mes femmes grâce aux revenus de la mendicité. Je gagne en moyenne 1.750 FCfa à 2.000 FCfa par jour. La recette peut même augmenter les jours de fêtes », souligne-t-il.

Absence de boulot, Profession mendiant oblige

Pour certains, la mendicité est un moyen facile de gagner de l’argent. En revanche, pour d’autres, c’est le chômage qui les pousse à quémander. C’est le cas de Ndèye B. F., une mendiante apparemment bien portante. Elle soutient avoir été lingère, victime du manque de sérieux des gens avec qui elle a eu à travailler. « J’étais lésée financièrement. Partant de ce constat, j’ai décidé, avec ma progéniture, de m’installer dans les rues de Dakar pour mendier. Depuis cinq ans, c’est mon occupation principale. Il m’arrive de revendre les denrées et produits que les passants m’offrent comme aumône. Mes recettes journalières peuvent atteindre 2.000 FCfa. Avec cela, je nourris ma famille. Mon mari est au chômage, il se débrouille comme il peut. Le soir, nous nous retrouvons pour faire le tri. Ce n’est pas fameux, mais c’est moins que rien. Je remercie le Tout-Puissant qui met les bonnes volontés sur notre chemin », dit-elle.

Même son de cloche chez Fatmata S., rencontrée aux alentours de la Grande mosquée de Dakar. Elle soutient qu’elle a cherché du travail, en vain. Pour survivre, elle a choisi un travail moins pénible : la mendicité.

« Je gagne ma vie avec l’aumône que je reçois mais j’avoue que c’est très difficile de mendier. D’habitude, les gens ont des préjugés sur nous. On nous traite de partisans du moindre effort alors qu’au fond, nous quémandons malgré nous », déclare-t-elle, amère.

A ces témoignages de femmes, s’ajoute également celui d’Aliou. Il a vécu la même situation après l’amputation d’une de ses jambes. Cependant, il garde espoir de monter un petit commerce et de déserter les rues. Vieux et Modou y pensent aussi. Pour ceux-là, la possibilité de trouver une occupation comme vendeurs se heurte au mépris des employeurs. En attendant de trouver de quoi se nourrir et faire vivre leurs familles, ils rampent au milieu des voitures immobilisées par les embouteillages ou les feux rouges de l’avenue Lamine Guèye, du matin au soir, à la recherche de lendemains meilleurs.



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