Résultats de l'entrée en sixième 2010 : Moins de 4 % de candidats recalés

Les écoles élémentaires du pays ont enregistré de très bons résultats à l’entrée en 6e cette année. Nombreuses sont celles qui ont eu 100 % de taux de réussite. Ces statistiques, pour autant qu’elles font la joie des autorités, ne manquent pas de susciter des interrogations du côté des acteurs.

Le constat est général : les résultats du Certificat de fin d’études élémentaires (Cfee) et du concours d’entrée en sixième de cette année sont très bons. Les statistiques de la Direction des examens et concours (Dexc) du ministère de l’Enseignement élémentaire le confirment : il y a eu 96,29 % de taux de réussite à l’échelle nationale. Ce taux est sans précédent et l’on note un bond de 24 points par rapport à l’année dernière où celui-ci était de 72 %. Les autorités s’en frottent les mains et ne manquent pas de manifester leur satisfecit. Même réaction du côté des parents. ‘Cette année, les résultats sont vraiment très bons’, exulte un parent d’élève de la commune de Biscuiterie, venu à son inspection départementale s’enquérir des résultats de son école. Son sentiment est partagé par toute la communauté éducative. C’est le cas du chargé de la communication de la Fédération nationale des Associations de parents d’élèves, Djim Cissé. De son avis, ‘les résultats sont très bons, je dirais même trop bons’.

Dans toutes les circonscriptions académiques de Dakar, l’on a pratiquement fait le plein. Ailleurs, la situation est pareille. Dans la commune de Gossas, par exemple, où on compte cinq écoles qui avaient des Cours moyens deuxième année (Cm2), les trois ont eu chacune 100 % de taux réussite à l’entrée en sixième. Les établissements scolaires où on a fait du 100 % ne se comptent d’ailleurs plus.

Mais, la question qui taraude dans le milieu éducatif est : que cachent de tels résultats ? Ce n’est certainement pas le très bon niveau de nos élèves ! Pour preuve, l’on renseigne qu’au niveau de l’académie de Fatick, une école (du village de Tekk) qui avait eu zéro admis à l’essai zonal, s’est retrouvée avec 100 % à l’entrée en sixième. A Dakar, Amadou Kane Diallo, un instituteur dans une école publique des Hlm, se désole qu’un de ses élèves qui ne savait ni lire ni calculer et dont la médiocrité était reconnue de tous, aille en sixième à la rentrée prochaine parce qu’ayant réussi au concours. Et le chargé de la communication de la Fédération nationale des Associations de parents d’élèves, Djim Cissé, reconnaît que l’on a trop ouvert les vannes pour laisser passer massivement les élèves.

En vérité, les acteurs de l’éducation soupçonnent le ministre de l’Enseignement élémentaire de vouloir, ainsi, mettre à exécution son projet de suppression de l’entrée en sixième. Lors du démarrage de ce concours, cette année, Kalidou Diallo avait, en effet, émis l’idée de le supprimer.

Mais, pour le secrétaire général de l’Organisation des instituteurs du Sénégal (Ois), Youssou Touré, pour autant que ce projet fut l’une des recommandations des Etats généraux de l’école de 1981, ce n’est pas de cette façon que cela avait été envisagé. Loin, s’en faut ! Selon lui, des préalables à la suppression de l’entrée en 6e avaient été envisagés. Il s’agissait, d’abord, d’une articulation entre l’enseignement élémentaire et l’enseignement moyen, en formant des enseignants de type nouveau, c’est-à-dire des enseignants polyvalents. Parmi les mesures d’accompagnement, soutient Youssou Touré, ‘il y avait également le relèvement du niveau de recrutement et la durée de formation élèves-enseignants dont le minimum devrait être de deux ans’. Selon lui, cette recommandation jure d’avec ce qui se passe actuellement en matière de formation. Non seulement la durée de formation est de cinq mois, mais, aussi, le contenu laisse à désirer. ‘C’est la catastrophe parce qu’aujourd’hui, beaucoup d’enseignants n’ont pas le niveau requis’. Selon Youssou Touré, cette situation est due au fait que l’Etat a fait du relèvement du taux brut de scolarisation (Tbs) son slogan et son seul objectif, se soumettant, ainsi, aux exigences des bailleurs de fonds.

Alors, qu’augure une telle situation pour le système éducatif sénégalais ? ‘Rien de bon !’, de l’avis du syndicaliste en chef Youssou Touré. Il est d’avis que le jalon ainsi posé par l’Etat dans la perspective d’une suppression pure et simple de l’entrée en sixième, est ‘un précédent grave’. ‘L’Etat a pris sur lui de prendre une mesure aussi importante sans mesure d’accompagnement et sans concertation avec les acteurs et la communauté éducative. Demain, c’est lui seul qui sera comptable de ce qui adviendra parce que nous n’accepterons pas d’être mis devant le fait accompli quand les intérêts de l’école sont menacés’. Et M. Touré de se désoler, dans la foulée, du non respect des accords passés par l’Etat. Selon lui, voilà quatre ans que le président de la République avait pris l’engagement de convoquer un forum sur l’éducation sans que rien n’y fit. ‘Ils n’ont que leurs discours, mais pas de volonté réelle de trouver des solutions définitives aux problèmes de notre système éducatif’, s’offusque-t-il.

De son côté, Djim Cissé sonne l’alerte en interpellant le gouvernement sur les structures d’accueil, eu égard au nombre important des élèves admis, cette année, en sixième. ‘Nous avons demandé au ministre de tutelle de prendre les mesures idoines pour caser les élèves et les mettre dans de bonnes conditions d’études. Sinon, les parents vont se rebeller’, avertit-il. Et le chargé de la communication de la Fédération des parents d’élèves de poursuivre : ‘Nous avons pu, cette année, grâce au dialogue, éviter des crises scolaires parce qu’il s’agissait des enseignants, mais s’il est question des élèves, leurs réactions sont beaucoup plus violentes’, comme pour dire qu’il faut éviter, vaille que vaille, une crise scolaire dont les principaux acteurs seraient les élèves avec lesquels il est difficile de négocier.