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Serigne Mame Mor Sall (Spécialiste en gestion du trafic routier) : ‘Les embouteillages à Dakar coûtent 4 milliards par an aux usagers’

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Serigne Mame Mor Sall (Spécialiste en gestion du trafic routier) : ‘Les embouteillages à Dakar coûtent 4 milliards par an aux usagers’

Serigne Mame Mor Sall est un ingénieur, spécialiste en gestion du trafic routier. Manager général de la société Transecor, il s’est entretenu avec nous à l’occasion de la clôture de la 13e semaine de l’Association des gestionnaires et partenaires africains des routes (Agepar), des conséquences des embouteillages dans la capitale. Ainsi, cet ingénieur, qui note des inadéquations entre les nouvelles infrastructures routières et celles qui existaient déjà, soutient que les embouteillages, en dehors des conséquences négatives sur la santé, coûtent plus de 4 milliards de francs Cfa par an.

Wal Fadjri : Quelles sont les conséquences des embouteillages à Dakar ?

Serigne Mame Mor Sall : Ils ont principalement deux conséquences. Ils induisent des effets économiques et sanitaires négatifs. Du point de vue économique, ils coûtent cher aux Dakarois, même si le coût par personne et par an est difficilement modulable. Néanmoins, nous avons pu quantifier les pertes. Quand on modélise, on peut connaître la valeur financière perdue à cause des embouteillages. Le carburant et le temps perdus par les usagers avoisinent les 4 milliards. Du point de vue de la santé, le logiciel que nous avons utilisé pour construire le modèle existant sur la chaussée, nous a fourni toutes les informations sur les émissions de gaz : monoxyde de carbone, azote par gramme. Ces embouteillages, avec les émissions de carbone, causent des maladies liées le plus souvent à la respiration.

Wal Fadjri : Quelles sont les solutions préconisées ?

Serigne Mame Mor Sall : Depuis 40 années, tous les pays sont dans la gestion des réseaux, en termes de trafic routier. Les pays se sont rendu compte que l’on peut construire autant de routes que l’on veut, mais, il y aura toujours des points de conflits, de stationnements anarchiques, des encombrements sur les voies. Par conséquent, la clé est dans la gestion du trafic. Quand vous avez un réseau routier, il faut gérer les flux pour pouvoir bien les maîtriser. Et ce sont les systèmes de transports intelligents (Sti) qui permettent de le faire. Il s’agit de la détection des incidents, du comptage des véhicules et des vitesses, de leurs fréquences, de manière permanente, pour savoir les facteurs de croissance et de pic. Il y a aussi la coordination entre la police et les équipes de secours en cas d’accident ou de panne. Aux Etats-Unis et au Canada, en 2004, quand un incident se produisait sur une route, accident ou panne, il fallait en moyenne 15 minutes pour rétablir la circulation. Aujourd’hui, on n’est pas efficace si l’on se bat en 13 minutes 50 secondes. Au Sénégal, un véhicule peut tomber en panne sur la chaussée pendant une demi-journée, alors que la route est bien conçue. De manière géotechnique, sa capacité normale est réelle. Il n’y a pas de saturation, la route peut écouler deux mille véhicules. Malheureusement, elle n’écoule que la moitié. Il y a donc un problème d’exploitation du réseau, qui peut être résolu par la gestion du trafic. Il n’y a pas de problème d’infrastructures. Les routes sont fiables et aptes, elles sont mal gérées.

Wal Fadjri : Pourquoi tant d’embouteillages, vu le nombre de routes construites ?

Serigne Mame Mor Sall : Dans le cadre des projets de l’Anoci, on a réglé le problème de la périphérie de Dakar. Il est très facile maintenant de faire le tour de la ville. Dans la nomenclature des routes, il y a ce qu’on appelle les routes locales, les correctrices, les artères et enfin les autoroutes, qui peuvent être des voiries urbaines d’écoulement ou de très haut débit. Maintenant, ce qu’on a construit est plus proche des autoroutes. On a les autoroutes comme Malick Sy - Patte d’Oie, Patte d’Oie - Yoff. Ensuite, on a les autres routes qui ressemblent à des autoroutes, parce que leurs caractéristiques géométriques, en termes de visibilité, de capacité de voies et de vitesses, sont des caractéristiques d’une autoroute, mais, on ne peut pas les classer parmi les autoroutes. C’est le cas des tronçons Patte d’Oie-Cices, Aéroport-Bloc des Madeleines et la Vdn puisqu’ils ont des carrefours, des dos d’âne et les piétons sont autorisés à traverser la chaussée. Ce sont des voies rapides, des express way chez les anglo-saxons.

Ces routes sont très utiles pour écouler rapidement le trafic. Mais le problème se pose aux niveaux des artères et des correctrices, qui jouent leur rôle de transition, selon l’heure de la journée. On transite d’une autoroute à une artère, d’une artère à une correctrice et d’une correctrice à une locale. Et le matin, quand les gens vont au travail, c’est le sens contraire. Par conséquent, si on facilite la circulation sur les autoroutes, sans pour autant en faire autant sur les correctrices et les locales, cela pose problème. C’est ce que nous avons actuellement à Dakar. Vous allez faire des passerelles et des trémies, parce qu’une artère se gère avec des feux de signalisation, des ronds-points…

Wal Fadjri : Pouvez-vous donner un cas concret ?

Serigne Mame Mor Sall : L’étude présentée sur le carrefour Front de terre-Bourguiba est un exemple concret. Sur cette avenue, le comptage fait en 2007 par l’Aatr montre 29 mille véhicules par jour, 27 mille sur la corniche et 24 mille sur la Vdn. Le carrefour Bourguiba-Front de terre s’est positionné comme la route qui a plus de véhicules sur tout le réseau national, mais cela n’a pas été pris en compte. Puisque certains soutiennent que le traitement des carrefours et des correctrices ne relève pas des qualifications de l’Etat, mais plutôt des collectivités locales. Mais les rôles, l’espace et le cadre ne sont pas bien définis. Il y a un problème institutionnel. La gestion des feux tricolores est transférée aux collectivités locales, malheureusement, ces dernières n’ont pas les ressources humaines et financières nécessaires. Ensuite, il y a un manque de coordination entre les collectivités locales et les autorités routières. En définitive, c’est surtout l’exploitation et moins la mise en œuvre qui pose problème.

Pour revenir au cas de Front de terre-Bourguiba, il y a l’échangeur de Hann qui est à côté et qui a coûté des milliards, mais le carrefour Bourguiba-Front de terre constitue un goulot d’étranglement. On a des files d’attente entre la route qui va de l’avenue vers l’hôpital de Grand Yoff. Il y a ensuite un autre goulot à partir de ce carrefour jusqu’à l’échangeur de Hann. Et, quand on franchit cet échangeur pour entrer dans Hann Mariste, c’est la croix et la bannière. Jusqu’à Capa aussi, on a des files d’attentes. Et il y a beaucoup d’autres.

Prenez l’autoroute Patte d’Oie-Malick Sy, c’est pratiquement impossible d’entrer dans l’avenue Lamine Guèye. Bloc des Madeleines, pareil. On gagne peut-être 20 minutes sur la corniche, mais une fois arrivé au Bloc, on ne peut pas entrer en ville. Or, un système routier c’est un ensemble et chaque élément joue son rôle. Si on met l’accent sur un seul élément visible et on laisse un autre élément invisible, qui a un rôle primordial, il y a problème.

Wal Fadjri : N’y aurait-il pas de cohérence entre les travaux dernière génération et ceux qui étaient là avant ?

Serigne Mame Mor Sall : Si vous posez la question aux gens qui s’occupaient de ces travaux, ils vous diront que ces routes ne faisaient pas partie de leur projet ou bien elles relèvent de la compétence des mairies. Mais, en tout état de cause, cela démontre l’incohérence entre les services de l’Etat et de la municipalité. L’échangeur de la place Omvs coûte dans les 4 milliards (vous pourrez vérifier les chiffres auprès de l’Anoci), alors que le carrefour Aimé Césaire-Cheikh Anta Diop n’est toujours pas régulé. Des policiers ont été mis pour gérer le trafic, alors que l’on pouvait le faire avec des outils modernes, en cohérence avec le niveau de qualité du pont, qui est juste à côté. Cela aurait évité des problèmes. Quand on fait des projets pareils, il faut prendre en compte toutes les situations annexes.



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