Pour une fois encore, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) vit une fin d’année universitaire très difficile sur le plan financier. En effet, des centaines d’enseignants chercheurs bénéficiaires de voyages d’études à l’étranger depuis le mois d’août, sont ‘bloqués’ contre leur gré au Sénégal faute d’argent. Pourtant, la plupart d’entre eux avaient fait des réservations depuis quatre mois dans les laboratoires de leur université d’accueil. Mais, à la dernière minute, beaucoup d’entre eux ont été contraints de changer de date. Et le problème est qu’aujourd’hui, personne ne sait quand les fonds pour payer les titres de voyages estimés à 300 millions et ceux destinés aux perdiems, à savoir près de 500 millions, seront disponibles. De source proche du rectorat, l’on nous apprend que des efforts intenses sont en train d’être menés par les autorités pour trouver les 300 millions destinés à l’achat des billets d’avion d’ici la semaine prochaine. Et que les perdiems devront attendre.
En attendant, c’est la grogne totale au niveau des enseignants chercheurs de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar qui ne savent plus à quel saint se vouer. ‘J’avais réservé depuis le 1er août. Depuis lors, quand je viens, on me demande de repasser. Maintenant, personne ne me répond plus. Je ne sais même pas ce que je vais répondre. Or on devait profiter de cette période pour faire des observations d’autant plus que les laboratoires qui nous accueillent avaient déjà donné leur accord. Ce n’est pas normal qu’un enseignant travaille neuf mois et n’a même pas de billet pour ses voyages d’études parce qu’il n’y a pas d’argent à l’université’, fulmine ce maître-assistant qui a préféré taire son nom. Selon lui, ‘si les billets d’avion étaient disponibles au moins, on aurait compris. Les enseignants qui le peuvent, pourraient partir avec leurs propres économies et se faire rembourser les perdiems après’.
Pour notre interlocuteur, ‘c’est un frein pour la recherche à l’Ucad’. Et un autre professeur, toujours sous le sceau de l’anonymat, d’ajouter à la complainte que ‘ce n’est pas encourageant’. Pour lui, c’est ce genre de problème qui favorise ‘la fuite des cerveaux’. ‘Avant de m’engager à enseigner ici l’année prochaine, je vais y réfléchir par deux fois’, avertit-il. ‘C’est catastrophique. Cela fait un mois que nous attendons. On n’aura même pas de vacances, ni le temps de préparer nos cours. On est toujours sous tensions, alors que c’est notre droit’, tonne-t-il avec un brin d’exaspération. Pour lui, ‘il y a une crise systémique à l’université. Tout le monde se plaint. On est comme les étudiants qui réclament leurs bourses. La seule différence, c’est qu’on ne peut pas comme eux sortir et casser des bus’, schématise le maître-assistant.
La seule solution qu’entrevoit notre interlocuteur, c’est en arriver au constat que l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar est en faillite et la fermer au moins pour quatre ans. ‘La solution est de fermer l’université pour quatre ans, car elle est en faillite sur tous les plans’, soutient-il avec force conviction. Un avis que partage largement un membre du Personnel administratif technique et de service (Pats) qui a suivi la conversation. ‘Il faut mettre en chômage technique tout le monde pendant trois ans et revoir le fonctionnement de cette université qui a besoin d’états généraux’, avance-t-il. Car, selon ce dernier, tant qu’il y aura le statu quo, les étudiants n’apprendront rien. Cela est d’autant plus vrai, d’après un enseignant, ‘les professeurs sont devenus de simples fonctionnaires et les étudiants passent leurs temps à tricher ou à plagier. Les étudiants savent ce qui se passe. C’est la raison pour laquelle, ils n’apprennent plus et ne respectent plus personne’, déplore-t-il.
Par ailleurs, nos interlocuteurs nous signalent qu’il n’y a pas que le retard dans le paiement des titres de voyages. Les heures complémentaires, les primes de recherche ne sont pas encore payées, sans parler des frais de prise en charge médicale des travailleurs de l’Ucad dans les différentes structures hospitalières. Les salaires du mois d’août tardent à tomber également. Autant dire que l’Ucad est au bord du dépôt de bilan.
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