Université Cheikh Anta Diop: Les étudiants mettent le Rectorat à sac

Un palier de plus a été franchi dans l’escalade de la violence qui sévit de manière quasi endémique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar où elle a trouvé un terrain fertile à travers les amicales et les associations communautaires de toute sorte. En effet, le Rectorat a été saccagé et le personnel terrorisé par une poignée d’étudiants qui se sentent écartés de la gestion des ‘bourses sociales’.

Depuis quelques années, on a comme l’impression que l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar est entrée dans un cercle infernal. Après les violences perpétrées il y a un an à la Faculté des lettres et sciences humaines lors du renouvellement de l’amicale des étudiants et il y a moins d’un mois lors de la ‘descente musclée’ des étudiants musulmans qui ont empêché la tenue des examens dans plusieurs départements pour soutenir leurs trois camarades arrêtés pour une sombre histoire de trafic international de drogue, hier, des étudiants de plusieurs facultés, mais majoritairement de la faculté de Droit et Sciences politiques ont semé la terreur et la désolation au Rectorat de l’Ucad.

En effet, les étudiants furieux d’avoir été laissés en rade dans la gestion des fameuses ‘bourses sociales’ confiées par le recteur aux amicales dont le mandat arrive à terme ont déversé leur bile sur tout ce qui bouge. C’est ainsi que les vitrines de l’entrée du rectorat, celles des fenêtres des bureaux et des portes ont été totalement broyées, les murs et les carreaux portaient encore au moment de notre passage les stigmates de la grande colère des étudiants avec de la peinture par terre à tous les étages, des pots de fleurs renversés, des graffitis ou, pour dire vrai, des injures sur les murs.

Comme si tout ce spectacle fait de désolation ne suffisait pas, les étudiants en colère, d’après le chef du protocole du recteur, sont allés trouver le recteur qui était en réunion dans son bureau pour exiger séance tenante une audience. Devant le refus catégorique du recteur, le Pr Abdou Salam Sall, les étudiants ont usé des muscles et des armes qu’ils avaient par devers eux, notamment ‘une bombe artisanale asphyxiante’, selon le témoignage du recteur. Ce dernier nous a confié que le personnel n’a dû son salut qu’à l’usage de mouchoirs imprégnés pour échapper à la fumée. Il a aussi déclaré avoir vu, de ses propres yeux, des étudiants agresser son personnel. Et c’est sur ces entrefaites qu’il a appelé la police qui est venue évacuer les étudiants. Tout ce charivari s’est passé devant le doyen de la fac de Droit, le Pr Ndiaw Diouf, vice-recteur, et le directeur de l’Insept.

REACTIONS…REACTIONS… REACTIONS

ABDOU SALAM SALL, RECTEUR DE L’UCAD : ‘Ou on est tous en sécurité à l’Ucad ou je m’en vais’

‘Il s’est passé des évènements très graves (…). Je demande à l’Etat de prendre ses responsabilités pour sécuriser l’enseignement supérieur. Dans le cas contraire, je prendrai mes responsabilités avec mes collaborateurs. Le doyen de la faculté de Droit et le directeur de l’Insept n’ont jamais vu ce qu’ils ont vu (Ndlr, hier). Cela s’est une fois passé en 1994, mais nous nous étions levés comme un seul homme pour dire : ’Plus jamais ça’. Je ne dis pas que tout le monde sera avec nous, mais chacun est libre de ne pas aller avec nous. Moi, personne ne va me terroriser. Je ne l’accepte pas. Lorsque j’étais dans les salles comme professeur, j’étais respecté. Et je suis prêt à y retourner. Ce que nous faisons, c’est pour notre pays.

‘Je crois que les étudiants doivent respecter leurs enseignants. Aujourd’hui, je me rends compte que ce n’est pas le cas. Mais je veux dire que les auteurs de ces actes sont une minorité. La majorité des étudiants n’est pas d’accord avec eux. Maintenant, il nous faut un temps d’arrêt pour partir sur de nouvelles bases plus sécurisées. En tout cas, je marquerai un temps de réflexion. Et de deux choses l’une : soit on est tous en sécurité à l’Ucad ou je m’en vais. (…)

‘La police restera désormais au rectorat tant qu’on n’aura pas mis en place la police universitaire. Parce qu’il y va de notre sécurité et de celle de tous nos agents. Nous avons les éléments pour reconnaître tous les étudiants qui ont participé à la manifestation. Nous allons voir dans quel établissement ils sont. La plupart sont de la fac de Droit. On va les convoquer et les traduire immédiatement en conseil de discipline. J’assume que je vais proposer qu’ils soient renvoyés de l’Université. Tout sera fait en procédure d’urgence. Et nous allons nous constituer partie civile.

‘Ce qui se passe, c’est le processus de l’Etat de non droit que nous vivons ici. Ce n’est pas possible. Je demande au personnel, aux enseignants et aux étudiants de se mobiliser pour mettre fin à ces voies de fait inacceptables. Je dis à la société, si elle tient à l’enseignement supérieur, c’est le moment de défendre l’université de Dakar. Le problème, il faut le dire très clairement, c’est un problème d’argent. Et les gens ne maîtrisent pas leurs sens dès qu’il s’agit d’argent. Le fond du problème, c’est la gestion des bourses sociales.’

NDIAW DIOUF, DOYEN DE LA FACULTE DE DROIT : ‘Si on développe la culture de la violence, c’est la mort de l’université’

‘Nous sommes tous en danger, il faut que nous réagissions. L’université, ce sont les échanges d’idées, ce n’est pas la violence. Si on développe la culture de la violence à l’université, c’est la mort de l’université. Il faut que l’on réagisse. Nous allons prendre deux mesures. Premièrement, nous allons convoquer les organes compétents pour statuer le plus rapidement possible sur le cas de ces étudiants et on va prononcer les sanctions appropriées. Deuxièmement, nous allons engager une procédure sur le plan judiciaire. Moi, personnellement, j’ai été victime d’une infraction commise par les étudiants. Ce sera une plainte avec constitution de partie civile. J’étais là lorsqu’ils ont balancé la bombe asphyxiante dans le bureau’.