EXPLIQUEZ NOUS …Amy Mbacke Thiam sur son refus d’être auditionnée : « Le Bureau fédéral veut m’humilier »

Sûrement agacée par tout le bruit fait autour de son refus de comparaître devant le Bureau fédéral suite à sa lettre d’excuses, Amy Mbacké Thiam s’est lâchée quand nous l’avons jointe hier après-midi depuis Kaolack, son fief natal. La spécialiste du 400 m, championne du Monde en 2001 à Edmonton, sous le coup d’une suspension après avoir tenu des propos jugés discourtois à l’endroit des Fédéraux lors des Mondiaux d’Osaka (Japon), a remis ça en «fusillant» par des mots très durs l’équipe du président Momar Mbaye. Avant de clore le débat à propos de son audition avec les Fédéraux en déclarant tout de go : «Jamais ! Jamais je ne rencontrerai le Bureau fédéral.»

Amy MBacké, vous êtes toujours attendue par le Bureau de la Fédération d’athlétisme. Pourquoi refusez-vous toujours d’être auditionnée ?

Je pense que c’est trop tard maintenant. Momar Mbaye et son équipe m’ont suspendue pour un an. Dans ce cas je pense que ce n’est plus la peine de parler d’une audition. Ils ont attendu tout ce temps pour parler de ça. Je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas logique. Déjà, j’estime que je devais être entendue avant d’être suspendue. Ce qu’ils n’ont pas jugé nécessaire de faire. Alors, à quoi bon de m’entendre aujourd’hui. Le coup est déjà parti. Il fallait m’écouter d’abord, s’ils avaient la volonté de bien faire les choses avant de prendre une décision. Ils n’ont jamais voulu m’écouter. Ils m’ont juste suspendue pour que je ne participe pas aux Jeux Olympiques. Maintenant, je suis libre de ne pas répondre. Pourquoi vouloir m’entendre ? Si c’est pour lever la sanction, je pense que ce n’était pas la peine de prendre une telle décision. Vous avez envoyé une lettre d’excuses, mais la procédure veut que vous soyez entendue avant toute levée de sanction

J’ai déjà fait ce que j’avais à faire. Et je m’en arrête là. Si ce n’est pas suffisant, peu importe. Je leur ai adressée une lettre de grâce. C’est tout que je peux faire. Des gens, des personnalités, comme le ministre des Sports (l’ancien), Issa Mbaye Samb, m’ont parlé et m’ont demandé de faire une lettre pour m’excuser auprès d’eux. J’ai tenu compte de cette demande et je l’ai faite. Je ne peux pas faire plus. Si cela leur suffit tant mieux. Au cas contraire, je purgerai tranquillement ma suspension d’un an. Figurez-vous que c’est une lettre que j’ai déposée depuis novembre 2007. Il n’y a pas eu de suite. S’ils espèrent que je viendrai demain me présenter devant eux, ils se trompent.

Donc vous maintenez toujours votre décision.

Bien sûr ! D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi ils tiennent à me rencontrer. J’ai été suspendue par le Comité directeur. C’est ce même Comité directeur qui doit me convoquer. Ce qui n’est pas le cas. Au contraire c’est le président (Momar Mbaye) et son directeur administratif (Jean Gomis) qui me convoquent. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que si je ne rencontre pas ces derniers, la suspension ne sera pas levée ? C’est quoi, cette histoire ?

A vous entendre parler, vous êtes prête à répondre aux membres du Comité directeur.

Peut-être. C’est possible ! S’ils veulent m’entendre, je n’écarte pas l’idée de les rencontrer et de m’expliquer. Mais en ce moment c’est le Bureau fédéral qui veut personnellement me rencontrer. Ce que je ne comprends pas. Vous savez, je n’ai rien voulu dire depuis que j’ai été suspendue, mais là, j’estime qu’il y a beaucoup de choses anormales qui se passent au sein de cette fédération. Et je tiens à vous dire une chose : jamais, jamais je ne rencontrerai le Bureau fédéral. Ces gens-là, je ne suis pas prête de les rencontrer. Même dans la rue, je ne veux pas les voir.

Pourtant on a annoncé que certains médiateurs s’activent pour régler ce problème. Vous confirmez ?

Il y en a eu bien sûr ! Tout dernièrement j’ai rencontré, dans ce sens, le président Diagna Ndiaye (patron du Cnoss et du Comité de normalisation du football). Je les remercie tous. J’apprécie ce qu’ils font pour moi. Leur démarche est louable. Mais, il se trouve que ce je vis, je suis la seule à le savoir. Je me sacrifie beaucoup pour être à la hauteur de toutes les attentes. C’est très dur. Et malgré tout, les gens ne font rien pour m’aider. C’est une frustration de longues dates. Aujourd’hui, je suis à bout. Ces gens-là (les fédéraux) ne veulent pas me mettre dans de bonnes conditions de performances. Personnellement, je ne suis pas au rang d’une championne du monde. Il suffit juste de voir dans quelles conditions les autres athlètes sont traités par leurs responsables. Un champion du monde ça ne court pas les rues, Je me sacrifie énormément pour représenter mon pays. Je vis en France. J’ai un loyer à payer. Tout un staff à gérer, ma famille au Sénégal. Il y a les entraînements… Ce n’est pas des gens qui sont dans des bureaux qui vont dire ce que je dois faire. Il faut qu’ils le comprennent.

Mais au juste que reprochez-vous à l’actuelle équipe dirigeante ?

Ces gens-là m’ont offensée. Déjà, ils ne m’ont pas envoyé le billet pour les Jeux Africains. Il faut que ce soit clair. C’est faux, s’ils disent le contraire. Il faut que ça s’arrête. Lorsque les athlètes se déplacent, les choses ne se passent comme il faut. Souvent, c’est à la dernière minute que l’on t’envoie ton billet. On te balance à chaque fois que l’ordinateur est en panne. Il y a trop de bordel au sein de la Fédération d’athlétisme. On ne respecte rien dans cette Fédération.

On a l’impression que le fait de vous présenter devant les Fédéraux, c’est une humiliation pour vous

Bien sûr. C’est tout qu’ils veulent. Je le sais. Ils veulent m’humilier. Mais je ne m’excuserai jamais devant eux. Je n’ai commis aucun tort. C’est eux qui doivent s’excusez. Ils ont commis des erreurs et ils ne veulent pas les reconnaître. Ce sont des gens incompétents. Le président de la Fédération d’athlétisme, les gens qui dirigent la fédération sont tous des incompétents. Ils ne peuvent pas diriger l’athlétisme. Ce sont des gens qui ne connaissent pas le haut niveau. Ils sont là pour leur poche. Ils ne défendent que leurs intérêts et non l’intérêt national. Sinon pourquoi me suspendre à un an des Jeux Olympiques. Surtout après avoir commis des erreurs qu’ils veulent me coller. Ils n’ont pas mis en avant l’intérêt sportif.

Si vous persistez dans votre position, vous risquez de manquer les Jeux Olympiques de Beijing 2008 ?

(Sur un ton grave) Mais j’ai perdu plus que ça ! J’ai perdu les championnats du monde de l’année dernière, alors que j’aurai pu être championne ; à la limite être sur le podium. A cause d’eux, cela s’est mal passé. J’ai perdu quatre finales aux championnats du monde. J’ai perdu mon contrat avec Nike, mon sponsor. Je devais signer ce contrat depuis le début de la saison. J’ai perdu tous les meetings d’hiver et les championnats du monde en salle. J’aurai pu participer à toutes ces compétitions. Il y a les meetings qui doivent se disputer dans ce mois. Même si la suspension est levée demain, je ne pourrai pas faire le meeting de Dakar, ni le meeting de Bamako qui est prévu en mai, ni le championnat d’Afrique. Si je vais aux Jeux Olympiques, je vais faire quoi là-bas ? C’est la seule compétition à laquelle, je pourrai participer. Et je risque de gonfler la délégation qui sera sur place. Je suis quand même une championne du monde. Qu’on me traite en tant que championne du monde. Encore une fois, je ne suis pas prête à les rencontrer. Maintenant, si la suspension est levée, il est possible qu’on puisse discuter. Je pourrai tourner la page.

Face à une telle situation, comment gérez-vous votre quotidien ?

Je m’entraîne. Je suis actuellement à Kaolack. Je profite de cette situation pour être avec ma famille. Il se peut que je retourne demain (aujourd’hui) à Dakar. Je n’ai pas encore décidé de retourner à Paris. La sanction doit prendre fin en octobre prochain. Si rien n’est fait jusque-là, je me préparerai pour l’année prochaine.