L'Iran a annoncé mardi une nouvelle réduction de ses engagements en matière nucléaire. Comment en est-on arrivé là, et que reste-t-il de l'accord international sur le nucléaire iranien de 2015 ?
Succès diplomatique
Cet accord est conclu le 14 juillet 2015 à Vienne entre la République islamique et le groupe “5+1" (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne).
Validé par la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU du 20 juillet 2015, ce texte vient clore 12 ans de crise autour de la question nucléaire iranienne. Le préambule du texte note que "l'Iran réaffirme qu'il ne cherchera jamais et en aucun cas à développer ou acquérir des armes nucléaires". L'Iran consent à apporter des garanties destinées à prouver la nature exclusivement civile de son programme nucléaire en bridant drastiquement ses activités dans ce domaine.
L’Iran accepte également de se soumettre au régime d’inspection le plus strict jamais mis au point par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), organe de l’ONU. En échange, la République islamique obtient la levée d'une partie des sanctions internationales asphyxiant son économie.
Retrait américain
Le 8 mai 2018, le président américain Donald Trump sort unilatéralement son pays de l’accord de Vienne, conclu sous son prédécesseur Barack Obama. Washington réactive à partir d’août 2018 les sanctions qui avaient été levées en vertu de l’accord. Celles-ci sont régulièrement étendues et durcies pour contraindre Téhéran à négocier un nouveau texte qui, selon Washington, offrirait de “meilleures garanties”. Le retour des sanctions prive Téhéran des retombées économiques qu'elle attendait de l'accord; l'économie iranienne s'enfonce dans une violente récession.
Riposte iranienne
Le 8 mai 2019, l'Iran annonce qu'il commence à réduire progressivement ses engagements pris à Vienne pour contraindre Européens, Chinois et Russes à respecter leurs promesses d'aider Téhéran à contourner les sanctions américaines.
La République islamique fait savoir que faute de voir ses demandes satisfaites, elle s'affranchira de nouvelles dispositions de l'accord tous les 60 jours. La quatrième phase de ce plan de "réduction des engagements" a été lancée mardi.
Les engagements auxquels l’Iran a renoncé
L'Iran ne respecte plus aujourd'hui la limite imposée par l'accord à ses stocks d'uranium enrichi (300 kg). Il s'est affranchi également du plafond lui interdisant d'enrichir l'uranium en isotope 235 à un taux supérieur à 3,67%.
Depuis septembre, la République islamique produit de l’uranium enrichi dans son usine de Natanz (centre) avec des centrifugeuses interdites par l’accord. Celui-ci autorise un nombre limité de centrifugeuses dite de première génération (IR-1), mais l'Iran utilise désormais des machines plus modernes.
En dérogation aux dispositions de l’accord ayant trait à la recherche-développement, l’Iran a également commencé à mettre au point et tester des centrifugeuses encore plus avancées. Mardi, Téhéran a annoncé la reprise de l’enrichissement de l’uranium dans son usine souterraine de Fordo (centre), ce que l’accord interdit. L’Iran a commencé à injecter de l’uranium à l’état gazeux dans les centrifugeuses IR-1 qu’il est autorisé à conserver sur place. Celles-ci doivent commencer à produire de l’uranium enrichi à partir de 20h30 GMT mercredi. L'Iran a aussi annoncé en mai qu'il ne se sentait plus tenu par la limite fixée par l'accord à ses réserves d'eau lourde (1,3 tonne), mais n'a pas encore annoncé avoir dépassé ce seuil.
L’Iran viole-t-il l’accord?
Les Etats-Unis l'affirment mais Téhéran s'en défend. La République islamique reproche à ses autres partenaires de ne pas faire "tous les efforts possibles" (comme le prévoit l'article 28) pour permettre la mise en oeuvre pleine et entière de l'accord.
Téhéran dit lui agir dans le cadre des articles 26 et 36, qui lui permettent de suspendre ses engagements “en totalité ou en partie” en cas de manquement de ses partenaires à leurs obligations. Le président français Emmanuel Macron a réagi mercredi en jugeant que l'Iran avait "décidé de sortir du cadre" de l'accord.
Ce qui reste de l’accord
Un élément capital reste en vigueur: le régime d'inspection de l'AIEA.
Continuent également de s’appliquer les dispositions concernant le réacteur d’Arak (240 km au sud-ouest de Téhéran), devant être converti, avec l’aide d’experts étrangers, en réacteur de recherche incapable de produire du plutonium à usage militaire. De plus, les cinq Etats encore parties affichent leur attachement au texte et leur intention de le sauver, même si tous conviennent que c'est chaque jour un peu plus difficile.
Enfin, l’Iran est loin d’être retourné à la situation qui prévalait avant l’accord. Il limite son taux d’enrichissement de l’uranium à 4,5%, en-deçà du seuil de 20% qu’il a un temps pratiqué, et très loin des 90% nécessaires pour une utilisation militaire. Et la capacité totale installée des centrifugeuses iraniennes reste officiellement inférieure à ce jour à ce qu’elle était avant la conclusion de l’accord.
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