SALE TEMPS POUR LE PRESIDENT DU SENAT : Pape Diop en route vers l’échafaud

Si l’on ne fait pas courir le bruit sur une dissolution pure et simple du Sénat, c’est la possibilité d’une énième révision constitutionnelle qui est brandie pour lui retirer la suppléance du chef de l’Etat en cas de vacance du pouvoir, du fait qu’il n’est pas digne de confiance. Autant d’artifices qui participent d’un rare cynisme visant à le torturer psychologiquement. Jusqu’à lui faire lâcher prise ? Peut-être. En tout cas, c’est le moment ou jamais pour le président du Sénat, Pape Diop, réputé être une machine à avaler des couleuvres, de sortir du boisseau pour rassurer ses partisans qui crient à sa mort programmée. 

L’absence remarquée, d’autres diront inexplicable, du président du Sénat à trois cérémonies de la plus haute importance pour le chef de l’Etat a fini d’alimenter la rumeur dans les chaumières libérales. Pour ne pas dire donner lieu aux projections les plus pessimistes pour celui qui reste encore, à moins que «la constante Wade» n’en décide autrement, l’homme fort du Parti démocratique sénégalais (Pds) à Dakar. En effet, ils sont nombreux les observateurs qui ont vu d’un très mauvais œil le fait que Pape Diop n’ait pas rehaussé de sa présence l’inauguration du Grand Théâtre de Dakar, la remise du Prix Kéba Mbaye pour l’Ethique au président malien Amadou Toumani Touré et l’ouverture de la rencontre internationale sur l’agriculture dénommée «Dakar Agricole». Des  cérémonies qui se sont déroulées, respectivement, vendredi, samedi et lundi derniers. Si les Cassandre qui pullulent dans la galaxie libérale ont cru devoir s’attarder sur ce que les proches de l’ancien maire de Dakar appellent «un épiphénomène qui traduit le profond malaise dans lequel est englué le peuple du Sopi depuis la déroute aux locales de mars 2009», il reste constant que les relations entre le président de la République et le prédécesseur de Macky Sall à l’Assemblée nationale ont connu des jours meilleurs. 

Quand «Tapha» est payé en monnaie de singe

Bref, il est loin le temps où le bureau de Tapha, ainsi qu’on surnomme Pape Diop, sis à Soumbédioune était le point de ralliement de la quasi-totalité des militants acquis à la cause de l’opposant Abdoulaye Wade dont le dénominateur commun était une impécuniosité digne de Germinal. Déjà plein aux as en cette période de diète, où les rêveurs les plus fous étaient loin de penser que Me Wade arriverait un jour au pouvoir, l’actuel président du Sénat était l’un des rares bailleurs du groupe d’illuminés qui envisageaient d’envoyer le tout puissant régime socialiste dans les cordes. En tout cas, ceux d’entre ses «frères» du Pds qui ont pris part aux années de braise soutiennent, mordicus, que «faire des misères à Pape Diop, ce n’est ni plus ni moins que le payer en monnaie de singe». Vrai ou faux ? Toujours est-il que les actes posés ici et là ne laissent plus aucun doute sur un agenda caché pour pousser l’actuel dauphin constitutionnel, qui dérangerait aux entournures, sur l’échafaud. Une issue malheureuse qui, quoi qu’on puisse penser, est du domaine du possible. Surtout quand on se remémore le sort peu enviable réservé à certains «libéraux de lait», pour emprunter la belle expression de Me Mbaye Jacques Diop, que sont Aminata Tall, Macky Sall et Idrissa Seck. Et dans une moindre mesure Cheikh Tidiane Gadio. D’ailleurs, pour dire vrai, il existe un lien indéniable entre l’irréversible descente aux enfers de Pape Diop et sa proximité, réelle ou supposée, avec l’ancien Premier ministre et ex-numéro 2 du Pds, Idrissa Seck, avec qui il serait, selon ses détracteurs, et Dieu sait qu’ils font légion, en relations d’affaires. Et c’est pour dire le moins.

Dans le viseur de la Génération du concret ?

Pourtant, le président du Sénat a toujours voulu, hélas sans jamais y parvenir, donner à Me Abdoulaye Wade les gages de sa loyauté et de son soutien indéfectible. Il est d’ailleurs, à  ce sujet, de bon ton de rappeler sa sortie musclée contre les leaders de l’opposition qui lui demandaient d’user de ses prérogatives constitutionnelles pour … déposer le chef de l’Etat, au motif qu’il ne serait plus apte à présider aux destinées du Sénégal. Mais, c’était sans compter avec les faucons repus dans la mouvance présidentielle qui continuent de faire croire au locataire du palais de l’Avenue Léopold Sédar Senghor que c’est Pape Diop qui freine, sans avoir l’air d’y toucher, ce qu’il est convenu d’appeler la dévolution monarchique du pouvoir. Comment ? En créant tout simplement, lors des élections locales de mars 2009, les conditions de la perte de la mairie de Dakar qui devait, dit-on, servir de rampe de lancement pour Karim Wade, que la censure populaire continue de dépeindre, en dépit des démentis et des professions de foi de Me Abdoulaye Wade, sous les traits d’un prince héritier. Il n’en fallait pas plus pour que d’aucuns martèlent, à haute et intelligible voix, qu’il est dans le collimateur de la Génération du concret. En tout cas, à quelques encablures d’une élection présidentielle capitale pour l’Alternance qui ne rechignerait pas à prolonger son bail à la tête du pays, ce serait faire preuve de suicide que de s’aliéner un homme de la trempe de Pape Diop.  Un homme qui, malgré son calme légendaire, pourrait détenir, par devers lui, des armes non conventionnelles, voire de destruction massive. Sa survie politique en dépend.  

PAPA SOULEYMANE KANDJI